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L’AMIi MECONNUli. 511

dévorés en caoIicUe, qu’on a pu ohlcnir de pareils résultats. lU encore, le plus souvent, avortont-ilsooraplétenienl’alaniDiiulie invitation de liai : cl il suffit de les lianspnrler il cet âge dans le terrain solide du mariage pour les transformer complëtemcni. Il n’en est pas de même de l’ànie méconnue qui s’est développée "a son terme ; et celle-ci a cela de particulier que , loi’squ’au lieu d’èlre transportée dans ce terrain légilimcdont nous parlions tout à l’heure , elle y vient d’elle-même , elle est d’autant plus vivace et plus dévorante.

Toutefois, avant d’aliordcr la partie philosophique de cette analyse , il convient de dire quelque chose des lieux où se i)lait l’ànie méconnue. Klle aime les chamhres closes oii les hruits de l’eitérieur arrivent difficileineut et d’oii les soupirs intérieurs ne peuvent être entendus. La vivacité du jour lui est insupportable comme aux bellesdc-nuit et elle se ferme comme elles sous un voile vert . si par hasard elle s’y trouve exposée ; mais elle s’arrange pour vivre presque toujours dans un clair-obscur profond : elle se le procure au moyen de jalousies constamment baissées, de rideaux de mousseline d’autant plus propies "a cet usage qu’ils le sont moins. l’ardonnez-moi ce calembour , c’est Odry qui me l’a prêté.

Dans ces mystérieux réduits il y a une foule de petits objets inutiles et précieux , et dont l’âme méconnue pourrait seule expliquer la valeur. Quelquefois un crucifix, souvent une pipe culottée, de ci de lij un bouquet flétri , une boucle de pantalon , une image de la Vierge, un nécessaire de travail dont on a enlevé la partie utile pour en faire une cassette a correspondance, des éventails ébréchés et un poignard en guise de coupoir, «luoiqu’elle ne lise jamais de livres neufs et qu’elle les loue tout crasseux et tout déchirés au cabinet de lecture, ni plus ni moins que si elle était portière ou duchesse.

Maintenant que je crois avoirétabli quelques-uns des éléments physiques de l’existence matérielle de l’àme méconnue, je crois pouvoir aborder les intimes secrets de son existence morale. Ici le champ est immense, par son étendue et par ses détails. La pensée de l’àme méconnue vole des régions les plus basses des affections illégales aux régions les plus éthérées des rêves d’amour mystique. Et dans ce vol "a perte de vue , chaque mouvement est un mystère, chaiiue effort une douleur, chaque mot un problème, chaque aspiraiion un désir illimité, chaque soupir une confidence. Qui pourrait dire en effet tout ce qu’il y a dans les paroles ou les gestes d’une àme méconnue, dans sa pantomime éloi]ueiUe/ Qui pourrait suitout comprendie les mystères et la sublimité de son immobilité et de son silence’ ? C’est alors qu’elle ne remue pas et qu’elle ne dit rien, que tout ce volcan qu’elle porte en elle, gémit, brûle, se roule, s’embrase, la dévore , bondit, et finit par éclater par un regard jeté au ciel, comme une colonne de lave qui emporte avec elles les centres de mille sentiments consumés dans celte lutte intérieure. Heureusement que l’àme méconnue en a tellement "a consumer, que la matière ne manque jamais "a l’incendie. Quant h l’histoire de l’àme méconnue, avant d’arriver ’a sa perfection, elle est toujours un abîme où l’œil cherche vainement "a pénétrer : dans sa bouche elle se résume toujours en ces mots : j’.vi sodffert ! ! ! mais quant ’a la nature de ces souffrances c’est un mystère qu’on ne peut guère apprendre que de quelque sage-femme indis-