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nuui, et s’aperçoit avec effroi qu’il lui faudia végéter toute sa vie daus lessous-lieutenanccs de l’adiiiinistiation.

Un exemple fera mieux apprécier encore quels désencliantements sont réservés à la majorité des employés et de quels trésors de patience ils doivent avoir fait provision, |)0ur ne pas se laisser décourager par les raisons dilatoires qu’on oppose a leur irapalicnce. H est pris au hasard entre raille.

Félicien à l’honneur d’appartenir a une ’administration publique. Il avait vingt ans quand il y fut admis, et il en a trente-deux aujourd’imi. 11 compte donc douze ans de service, et ses supérieurs ont toujours fait les plus grands éloges de son travail. Cependant, Félicien n’a que douze cents francs de traitement, et, comme il n’est pas sans quelque ambition, il languit, il s’impatiente, il sollicite de l’avancement. Que de lettres n’a-t-il pas écrites du fond de sa province pour faire valoir ses droits, et ses bons services, et son âge, et les favorables rapports de ses chefs ! Combien de fois n’a-t-il pas prié, supplié, conjuré «o)2 député d’aller le recommander en personne au ministre duquel dépend son avenir ! Soins inutiles ! Un beau jour, pourtant, Félicien, furieux, désespéré, prend une résoluLiou énergique : il écorne son patrimoine d’un millier de francs, et vient h Paris. Le voila dans l’antichambre de son chef sulirêrae, dans le sanctuaire de la faveur. Que répondre à un homme de trente-deux ans, qui a douze ans d’excellents services, 1 ,200 francs d’appoinlenicnts et qui sollicite deux ou trois cents francs d’augmentation ? Le ministre lui promet la première place vacante.

" Celle de Veniéres le sera bientôt, répond F<’licieii préparé "a tout.

— Lli bien ! vous l’aurez. »

Cependant huit jours se passent, et sa nomination n’est pas signée. Qu’apprend-îl alors ? La place de Verrières est vivem(MU sollicitée par le protégé d’un personnage puissante ! elle vient de lui être promise. " Malédiction ! s’écrie Félicien, aurai-je donc fait un voyage inutile ? » Le voiPa qui se remet en course. Bon gré mal gré, il amène, deux ou trois députés chez son ministre, il lui fait écrire par des pairs et des lieulenants généraux ; il obtient même une lettre de queli|u’un de la cour. Fnlin, grâce ’a ce formidable déploiement de forces, son concurrent est évincé, et quelques jours après il se rend tout joyeux au ministère. Mais là, au lieu d’une commission qu’il s’attendait "a recevoir, un chef de service laisse tomber sur lui ces foudroyantes paroles : « M. le ministre éprouve un vif regret, monsieur, de n’avoir pu vous ac corder la place que vous avez sollicitée. La justice qui dirige ses actes lui a fait un devoir d’y nommer un employé, père de famille, qui compte viiigt-d«ux ans de service. Du reste, soyez assuré, monsieur... — Eh quoi ! dit Félicien s’écartant visiblement, en cette circonstance, de sa prudence ordinaire, est-ce ma faute si vous avez été injuste envers ce père de famille pendant douze ans ? 11 faudia donc que j’aie vingt-deux années de service et une demi-douzaine d’enfants pour aspirer à un traitement do quinze ceuts francs ! La perspective est agréable. » Le lendemain de cette fatale journée, Félicien avait repris le chemin de sou département. Combien d’cmplovés se seraient fait dans le commerce, dans l’industrie, dans les arts libéraux ou mécani(ines, une position considérable, s’ils y avaient consacré le