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10 I. A (iniSETTh :.

tée de toutes les belles persuiiiies qui sont pauvres, bien faites, el ([ui ont vingt ans ! Donc laissons la les étyraotogisles et leurs étymologies saugrenues. Ce sont de vieux bons horames revenus des passions liuranines, et dont on ne peut pas dire à propos de ces deux cclianlillons de la co juetterie française, qu’ils sont pleins de leur sujet. On ne déûnit pas ce qui est nel, vif et beau. La seule façon de comprendre ce monde des griseltes parisiennes, monde à part dans le monde, c’est de le voir de près. Sortez le malin par un Ijeau jour qui commence, et regardez autour de vous quelle est la première femme éveillée dans ce ricbe Paris qui dort encore : c’est la grisetle ! |{|le se lève un instant après le jour, el tout de suite la voila qui se fait belle pour loule la journée. Son ablution de chaque jour est complète, ses beaux cheveux sont peignés de fond en comble : ses vêtemenis sont reluisants de propreté ; je le crois bien, ma foi I c’est elle-même qui lésa faits, elle-même qui les a blanchis, lin même temps, elle |)are aussi la mansarde qu’elle habite ; elle met en ordre le pauvre rien qu’elle possède, elle décore sa misère comme d’autres femmes ne sauraient pas décorer leur opulence. Ceci lait, elle jette un dernier coupd o’il sur son miroir, el quand elle s’est bien assurée qu’elle est aussi Jolie aujourd’hui qu’elle, l’était hier, elle s’en va a son travail. En effet, et voilà ce qu’elles ont de touchant et de respectable, qui dit une grisetle dil en même temps un petit être charmant el content de peu qni pioduil et qui travaille ; une griselte oisive n’est pas dans la nature des grisetles ; elle devient alors tout autre chose ; elle sort tout à l’ail de cet honnêle déparlemeni des grisettes ; une fois oisive, elle franchit la faible limiie qni la sc’pare du vice parisien. — De celle-là nous n’en parlons pas, elle gâterait noire siijel. Mais cependant, puis(iu’elle travaille, quel est donc le travail de la grisetle ’ !' Il serait bien |ilus simple de vous dire tout de suite quel n’est pas son travail, car qui dil une griselle, dit une lille bonne a lont, qui sait tout, (pii pi’Ut tout. Une légion de fourmis travailleuses snflil à produire des montagnes ; eh bien ! la grisetle est comme la fourmi. Les grisetles de Paris, ces petits êtres Quels, actifs et pauvres. Dieu le sait ! elles opèrent aulanl de prodiges que des armées. Entre leurs mains industrieuses se façonnent sans lin et sans cesse la gaze , la soie , le velours , la toile. A tontes ces choses informes elles donnent la vie, elles donnent la grâce, l’éclat : elles les créent, pour ainsi dire, et, ainsi créées, elles les jettent dans toute l’Europe ; et, croyez-moi, celle innocente et continuelle conquête à la poinle de l’aiguille est plus durable mille fois que toutes nos conquêtes à la pointe de l’épée.

Ils se répandent ainsi dans la ville, ces pauvres artisans noirs ou blonds, blancs et roses et, tout eu fredonnanl, ils habillenl lapins belle partie du genre humain ; leurs doigts légiTS exécutent comme en se jouani les louis de force les plus difficiles ; tout ce que le caprice des femmes dans leurs plus ingénieux accès de coquetterie peut inventer, nos chanuanis artistes l’exécuteut. Elles régnent en despotes sur la parure européenne. Elles brodent le manteau des reines, elles coupent le lalilier des bergères. El faut-il que ce goût français soit universel pour que ces petites tilles, enfants de pauvres gens, el qui mourront pauvres comme leurs mères, deviennent ainsi les inlerprèles loiit-puissanls de la mode dans l’univers entier ! Détruisez cette race intelligente el laborieuse, c’en est lait de la grâce européenne ; déjà je vois d’ici toutes