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LKricii’ II. a

feiiinii’s (l’un air c^’iilhinl. adiniraiil sn bourgeoise, n’ayant rien, rieur avec les ciialaiiils, cmilcnl <l’nii liilli’t de spcolacle, cousidi’ranl le patron coninic uiilioinmc fort, enviant le jouroi’i il se fera, connne lui, la barbe dansini miroir rond, peiulant que sa fcmnic lui apprêtera sa chemise, sa cravate et son pantalon ? Voilà la vcrita ])le Arcadie ? Etre berger comme le vent Poussin n’est plus dans nosmo^in’s. Etre épicier, (juaiul votre fenune ne s’amourache i)as d’un Grec ipii vous empoisoinie avec votre propre arsenic, est une des i)lus heureuses conditions humaines. Artistes et feuilletonistes, cruels mocpieurs qui insultez au génie aussi bien qu’à l’épicier, admettons cpie ce petit ventre rondelet doive insiiirer la malice de vos crayons, oui, nialheurenseineut (pieli|nes épiciers, en présentant arme, presenteni une panse rabelaisienne (pii deran^’e l’alignement inespéré des rangs de la garde nalionale à une revue, et nous avons entendu des colonels poussifs s’en plaindre amèrement. .Mais qui peut concevoir un épicier maigre et pâle ? il serait déshonore, il irait sur les brisées des gens passionnes. Voilà (pii est dit, il a du ventre. Napoléon et Louis XVIII ont eu le leur, et la Chambre n’irait pas sans le sien. Deux illustres exenqiles ! mais si vous songez qu’il est plus confiant avec ses avances ipie nos amis avec leur bourse, vous admirerez cet homme et lui pardonnerez bien des choses. S’il n’élait pas sujet à faire faillite, il serait le prototype du bien, du beau, de l’utile. Il n’a d’antres vices, aux yeux des gens délicats, que d’avoir en amour, a quatre lieues de Paris, une campagne dont le jardin a trente perches ; de draper son lit et sa chambre en rideaux decalicoljaune imprimé de rosaces rouges ; de s’y asseoir sur le velours d’Utrecht à brosses fleuries ; il est l’éternel complice de ces infâmes étoffes. On se moque généralement du diamant qu’il porte à sa chemise et de l’anneau de mariage qui orne sa main ; mais l’un signifie l’homme établi, comme l’antre annonce le mariage, et personne n’imaginerait un épicier sans femme. La femme de l’épicier en a partagé le sort jus([ue dans l’enfer de la moquerie française. Et pourquoi l’a-t-on immolée eu la rendant ainsi donlileme[it victime ? Elle a voulu, dit-on, aller à la cour. Quelle femme assise dans un conipioir n’éprouve le besoin d’en sortir, et on la vertu ira-t-elle, si ce n’est aux environs du trône ? car elle est vertueuse : rarement l’infidélité plane sur la tête de l’épicier, non que sa fennne manque aux grâces de son sexe, mais elle manque d’occasion. La femme d’un épicier, l’exemple l’a prouvé, ne peul dénouer sa passion (|ne par le crime, tant elle est bien gardée. L’exiguïté du local, l’euvahissement de la marchandise, qui monte de marche en marche et pose ses ehandelles, ses pains de sucre jusipie sui’ le seuil de la chambre conjugale, sont les gardiens de sa vertu, toujours exposée aux regards publics. Aussi, forcée d’être vertueuse, s’attache-t-elle tant à son mari, (pie la plupart des femmes d’épiciers en maigrissent. Pienez un cabriolet à l’heure, parcourez Paris, regardez les femmes d’épiciers : tontes sont maigres , pâles , jaunes, étirées. L’hygiène, interrogée, a parlé de miasmes exhalés par les denrées coloniales ; la pathologie, consultée, a dit qncl(|ue chose sur l’assiduité sédentaire au comptoir, sur le mouvement continuel des bras, de la voix, sur l’attention sans cesse éveillée, sur le froid qui entrait par une porte toujours ouverte et rougissait le nez. Peut-être, en jetant ces raisons au nez des curieux, la science