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VXm DES ARTISTES. 235

CVtail un i ;r ;iii(l diable fiii ;aiiiO dans une miingote macaron beauc(m|) iiop lai( ;f, colletée en velours d’un noir verdoyant, lequel rtait chaussé de bottes tragiquement lézardées. Ce monsieur roulait de sombres pruni’lles sous les bords oiululés de son feutre gris,el les notes lugubres d’un chant caverneux serpentaient hors de sa gorge par le tuyau d’un rure-dent qu’il

niAehail.

Badoulot avait pris un air d’humilité pieuse.

— Ceci est ton maiire d’armes ? — Xon. répli-

qua-t-il , c’est Mo :>sieijr Saint-Eugène , la i)iemière basse-laille de notre thé ;Ure, un homme

étonnant qu’ils n’ont pas su comprendre ; Pa-

ris, ni A Qulniper, ni à Montargis, ni à Épinal, ni à Homorantin, ni ; Pézénas.... ; il donne le <ontiv-ut grave plein , et le si-bémol avant déjeuner !


Là-dessus, Badoulot tira son chapeau jusqu’à terre ; mais la basse-taille ne l’avait pas reconnu , et comme mon camarade s’était glorifié de l’intimité du personnage, il se hâta de dire : — Saint-Eugène a la vue très-courte. Mais il rougit jusqu’aux oreilles. Chemin faisant , il me donna sur la vie privée des comédiens de Dijon les détails les plus minutieux, en me faisant prendre, comme sans intention, une petite ruelle à gauelie, et d’après la direction sui ie par la basse-taille , j’eus lieu de conjecturer que le but de notre ami avait été de couper le chemin de l’artiste, afin de le voir repasser. — Allons, me dit-il avec enthousiasme en me quittant à la cour des diligences, tu vas là-bas le premier ; mais dans huit mois.... majeur !.... et alors.... on verra ce que je puis faire !

Je pensai qu’il méditait quelque mauvais coup.— Jean, mon ami, sois prudent. Quel est ton dessein ? — Oue sais-je ?... répliqua-l-il ; le temps nous l’apprendra. Il y a là quelque chose qui me tue ( il frappa un énorme coup de poing sur son front , qui sonna comme un baril vide) ; il faut que cela jaillisse. Ou’est-ce ?je l’ignore ; le monde le saura quand ma tète aura enfanté.

Je lui souhaitai une heureuse délivrance , et me félicitant d’avoir un camarade de collège qui promettait de semblables énormités.je partis pour la capitale, où je passai six ans sans ouïr le nom de l’ami Jean. Ce laps écoulé, mon portier me remit une carte de visite sur laquelle, en superbe gothique, étaient ces deux mots non moins gothiques : 3cl)iui8 flnsîioulot. Il me fut a l’instant démontré que mou ami était devenu un génie, et dès le soir même je courus à sa demeure. Il était absent, et j’allai le rejoindre chez le baron de*""*, notre commun ami.

Au milieu d’une dizaine de célébrités plus ou moins célèbres, mon ami Badoulot, couché dans un vaste fauteuil à la Henri II , les jambes plus élevées que le chef, et les bras pendants , parlait , discutai ! , répliquait , développait . expliquait , professait , dis-