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ft. |)imr file, d’inexprimables angoisses ! —Et vous ave/, vrcii ainsi dans celle ihainbre, dont l’amour vous avait fait un nid si douillet et si chaud, vous , pauvre pelil, qui n’aviez pas encore vos ailes, heureux, choyt’ et bé(|uetc !i petit bruil, el elle, pr(’s(|ne toujours absente, el posant A peine au bord de voire caolielle ses deux pieds mijjnoiis et mal assurés ! — Il ne vous apparlieni pas, croyez-moi, de répudier un pareil souvenir. Bien peu (et ce ne sont pas les plus heureux), parmi les jeunes hommes élevés sous le loil paternel, ont reçu d’aulre part celle première et douce initiation. Oui, n’en déi)laise A nos grandes daines el :’ ! nos nialiresses nuis(|uécs , dans l’hisloire de nos amours, le premier chapitre, le plus inléressaul, le plus coloré et le plus riche de jeunes et enivrantes émotions, appartient toujours à la femme de chambre. — Les Doriiies oui le pas sur les Cidaliscs.

Excellenle nature et louchante destinée ! La femme de chambre est tout anioiu’. .Après avoir aidé , avec un infatigable dévouement , au bonheur de madame, et suffi , seule , aussi longtemps que possible, A celui de son jeune maître , elle voit cet anuiur, qui est son ouvrage, lui échapper insensiblement , et s’envoler tout doucement ers de plus hautes régions. Elle le voit , elle en gémit ; mais elle ne pleure pas , ne pousse pas un sanglot ; la plainte lui est interdite. — Tel est le sort de la femme de chambre ; au dedans comme au dehors d’elle-même, tout est mystère ; son cœur est plein des secrets des autres et des siens. — Qui a osé dire que la femme de chambre était indiscrète ?

Ouel est l’amoureux éconduit , ou l’artiste malintentionné qui s’est permis de 

traduire en action cette injurieuse pensée ? La femme de clianibre indiscrète ! Mais l’indiscret est celui qui désire savoir. Or, la feninie de chambre sait tout. Celle lettre que vous lui faites enlr’ouvrir, c’est elle qui l’a reçue, elle (|ui portera la réponse, et il faudra bien, pour le moins, acheter sa discrétion et son habileté par une demiconfidence.

Non content d’attaquer sa moralité et les (|ualilés qu’elle déploie au service de sa maltresse, on a été jusqu’à en souiller le principe. Des écrivains qui se croient des penseurs, des auteurs dramali(|ues et des comédiens, tous gens d’esprit sceptique, se sont avisés de douter de son désintéressement, et ont trouvé plaisant de la représenter donnant d’une main une lettre, et recevant de l’autre... une bourse pleine ! Fi donc ! passe pour Figaro et Scapin , valets et fripons effrontés, gens de sac et de corde ! Sachez, messieurs, que Dorine ne vend pas plus son talent précieux que sa jolie figure : elle donne l’un à sa maîtresse, et prèle l’autre aux jolis garçons. Un sourire de reconnaissance, une caresse sous le menton, un baiser peut-être, un seul baiser au cbarmanl porteur de ce billet, moins frais A voir, el moins doux A toucher que la main qui le donne , voilei tout ce ([u’elle ambitionne el vous demande en son Ame. .Après cela, commandez, disposez d’elle A votre gré ; ne craignez rien, elle est A vous, elle veillera pour vous A toute heure, marchera devant vous, aplanira les difficultés, écartera les dangers, vous o.vrira toutes les voies, toutes les portes... la sienne même, s’il le faut. — .Viinable fille ! puissent tous les valets présen’s et futurs, puissent les plus beaux chasseurs , les commis les plus merveilleux et les clercs les plus fringants, te payer en amour, en bonheur, en dini’rs sur l’herbe, en loges des funambules , en foulards à vingt-cinq sous , en bagues de cheveux , eu tabliers de soie,