Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/311

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA FEMME DE CHAMBRE. 227

)K)ur ainsi dire c|u’cii ticinblnut , tant celle petite majesté lui inipiise. C’est (|u’elle est reine , en vérité, Dorine, reine dans le boudoir eoiiinie dans l’olliee, reine de sa maîtresse , dont elle possède les secrets, et reine de ses égaux , dont elle lient le sort entre ses mains. Dorine a la confiance de madame, et madame est loute-puissanle auprès de monsieur ; (|ue Dorine dise un mol A madame, et madame à monsieur, c’en est fait du rival maladroit ou du camarade insolent ! Dorine est le conmiencement et la fin, le bras (jui frappe dans l’ombre, l’esprit (|ui inspire et dirijje. Oue Dorine soit blonde ou brune, grande ou petite, laide même (si vous le voulez ; , <|u’im|M)rle ? elle n’en sera pas moins flMée, recherchée et adorée, connue toutes les fenunes qui ont vingl-einq ans , beaucoup d’esprit , la désinvolture facile et le regard mutin. S’il n’y a pas autour d’elle quel(|ue beau chasseur bien droit et bien doré , ou quelque petit valet mince cl futé, qui la courtise, et l’appelle mademoiselle Dorine, elle jette i)res(|ue toujours alors les yeus sur un séduisant commis de magasin, ou sixième clerc d’avoué, qu’elles rencontré, un jour de sortie, à la Chaumière ou à l’Ermitage. M. Oscar, Alfred ou Ernest, est un jeune homme très-comme il fftitl , qui porte de petites moustaches, des gants jaunes , le dimanche, et necnltiequeles danses autorisées par M. le préfet. Il est fort poli , ote son chapeau en invitant sa dame, ne se livre ipie médiocrement A l’enivrement du galop et ; la pantomime expressive du balancé. Pendant la contredanse, le galant cavalier a relevé trois fois le mouchoir de sa tliiinitt-, et trois fois elle lui a souri , et ils se sont pressé la main. C’en est fait ; Dorine est vaincue , Oscar triomphe, et tous deux s’en vont , sous des bosquets très-peu mystérieux , se jurer un amour éternel, qui durera autant (pie la saison des baIschanqK’tres. La femme de chambre, comme toutes les personnes douées d’un sens très-fin, observe beaucoup : c’est il la fois un plaisir de son esprit et une nécessité de sa position. On sait que, sous ce rapport, la gent domestique a cent yeux, cent oreilles, et souvent deux cents langues. Ces trois éminentes facultés, multipliées et perfectionnées par l’habitude, le domestique semble s’en être réservé tacitement la jouissance pour son utilité personnelle, et, en somme, il ne les exerce guère qu’au détriment de ses maîtres. Il les espionne et les trahit A toute heure : il les étudie pour les contrefaire. Il vous regarde dans le cœur avec une lou|)e, y cherche minutieusement vos joies, vos chagrins les plus intimes, exploite vos plus secrets penchants, s’empare traîtreusement de tout votre être, et coule en bronze, dans une frappante caricature, vos plus innocentes faiblesses et vos plus imperceptibles travers. Les Mascarilles et les Frontins sont certainement les inventeurs de la caricature parlante, le crayon et lemodelage ne sont venus qu’après ; les meilleures charges se font à l’office. — J’excepte la femme de chambre. Elle est généralement plus indulgente : elle imite et ne parodie pas ; c’est une iloiiblure , si vous voiile/, qui copie servilement, mais avec conscience, les jeunes premières et les grandes coquettes. Elle grasseyé, il est vrai, comme le chef d’emploi, marche de même, affectionne les mêmes gestes, les mêmes expressions, les mêmes airs de tête. Comme madame, elle a ses jours d’abattement, et dit aussi , en adressant à la glace un regard caressant et un languissant sourire : «Je suis affreusement laide aujourd’hui :» Quand elle est seule, elle s’étudie ;> saluer et A rire cimme madame ; ellefeuidettequehpiefois, ;> la dérobée, les livres laissés surlesomno.