Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/310

Cette page n’a pas encore été corrigée

226 LA FEMME DE CHAMBRE.

(iKUiibre, ilf l’aïuiciianibre à l’escalitT, percliiinl et laquelant tour A lour au preuiicr, au s«()nd,au Iroisièiiic étage, le malin dans la loge du portier, et le soir dans la eage aérienne oi’i elle grimpe pour dormir et rêver. C’est toujours elle ; seulement elle a eliangé de nom , de langage et de eoslunie.

Elle ncs’ap|)elk’ plus Dorine, elle ié|)ond au nom d’Angélique, Rose, .dèle ou Célestine -, elle ne dit plus Frontin , Mascarille ou Crispin , elle dit Martin , François ou Germain. Conservons lui cependant pour un instant , et pour mieux la faire connaître, son joli nom d’aulrefois, son nom |)atronymi(pie.

La femme de chambre, comme le chef de cuisine, est , parle fait même de sa position, en dehors, sinon au-dessus de la domesticité. Ce sont deux puissances, dont l’une ne règne que deux heures sur douze, et l’autre toute la journée. Cliacun, dans la maison, sait cela et le reconnaît sans conteste. Etepii oserait nier la supériorité de la femme de chambre ? Oui pourrait lutter avec elle d’autorité et de pouvoir ? Seraitce le valet de chambre lui-même ? Fùt-il Scapinen personne, Dorine le mettrait dans le sac , le pauvre garçon , plus vite qu’il n’y met son maître. N’a-t-elle pas pour elle , avec la même position , l’avantage incontestable de la finesse naturelle à son sexe ? Le valet de chambre peut être changé sans que l’économie d’une maison en soit troublée. Ses rapports avec monsieur n’ont ni la même in)porlance, ni la même intimité ( l’expression convenable m’échappe ; ; les hommes sont moins expansifs ; le maître a généralement moins besoin de raconter, et le valet d’intérêt à recueillir. Son ministère a quelque chose de plus général , et ses atlribulions , même dans les meilleures maisons , ne sont pas toujours définies d’une manière assez rigoureuse ; le cercle s’étend ou se resserre autour de lui, selon les circonstances et les besoins du moment ; débordé quelc|uefois, il empiète souvent sur le domaine des autres, sans en devenir plus riche ou plus heureux. Il appartient dans l’occasion A madame, qui peut réclamer ses jambes ou ses bras pour un service quelconque. On a vu des valets de chambre métamorphosés momentanément en grooms, en cochers, en laquais ; il n’y a pas d’exemple d’une femme de chambre changée tout ; coup en nourrice ou en bonne d’enfant ! L’incompatibilité est évidente : la femme de chambre appartient exclusivement ; la maîtresse de la maison ; c’est sa propriété particulière, on ne peut y loucher sans sa permission ; son bien-être, sa vie intérieure , son bonheur ( et plus que cela jieut-être), en dépendent. Cette fîlle, en effet , sait les secrets de son cœur connue ceux de sa toilette ; elle a surpris les uns et elle confectionne les autres. Sa maîtresse, à son tour, lui ai)parlieiit corps et ;1me. Voyez donc !... elle sait de qui est la lettre reçue ce matin, pourquoi madame sort seule et A pied aujourd’hui , et pour(|uoi elle a eu sa migraine avant-hier, au moment où monsieur voulut la conduire au bal. Elle sait, au juste, le compte de la tailleuse et de la modiste. Elle sait la quantité d’ouate qui entre dans la doublure du corsage d’une jolie femme, et la quantité de larmes que peut contenir l’œil d’une femme sensible. Elle sait ( que ne sait-elle ]ias ?)f(u’il n’y a pas |ilus de femme irréprochable pour sa femme de chambre, que de grand honnne ]Hiur son valet.

.ussi voyez comme tout, dans la maison, sindine devant elle, Frontin le premier !

C’est :’ peine s’il <ise lui prendre la faille ^ ilcux mains, et il ne l’eiidiiasse