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1,1- CHASSKLIB.

tractées aux olianips <m dans les loièts se coiiservaieiU au salon, à la coin, aux ruelles. Sedaine a fort hien laraclérisé telle époque eu faisant parler ainsi le uiari |uisde Clainville. « Ali ! M)adanie, des tours perlides ! Nous dél)usquions les hoisde Il Salveiix ; voilà nos chiens en défaut. Je soupçonne une traversée ; enlin nous ra-II menons, .le crie à Bievaut que nous en revoyons, il me soutient le contraire ; Il mais je lui dis : Vois donc, la sole pleine, les côtés fi.i-os, les pinces rondes et le « talon large, ilmesoutientque c’est une biclie hréliaiï ;ne , cerf dix-cors s’il en fut. » Voilà le chasseur d’autrefois, la tête pleine de son dictionnaire de vénerie et parlant toujours en ternies techniques, même alors qu’il s’adresse aux dames. Mais comment peindre le chasseur d’aujouiiriiui’f' lise présente ii nous sous tant de formes diverses , suivant le pays qu’il liahite, la fortune qu’il possède, le rang qu’il occupe , que , nouveau Prolée , il échappe au dessinateur. C’est un kaléidoscope vivant : il nous offie des ligures rustiques, élégantes, bizarres, sévères, grotesques, fantastiques ; une fois brouillées, vous ne les revoyez plus sans qu’elles aient subi desmodilications. Autrefois pourchasser il fallait être grand seigneur ; aujourd’hui, (|u’il n’existe plus de grands seigneurs , lont le monde chasse. Pour cela il s’agit de ’ pouvoir jeter chaque année la modique somme de ^ 3 francs dausi’océan du budget. (>uedis-je ? parmi ceux qui courent les plaines un fusil sur l’épaule, on compterait peut-être autant de chasseurs rebelles !i la loi du port d’armes que de ceux (|ui s’y sont soumis.

Vous concevez que ce privilège , réservé jadis à une seule classe, étant envahi aujourd’hui par tous les étages de notre ordre social , a dû changer la physionomie du chasseur. Cet homme n’a plus de caractère qui lui soit propre, il a perdu son unité. Pour le peindre, il faut d’abord le diviser eu trois grandes catégories : celle des vrais chasseurs ; viennent ensuite les chasseurs épiciers qui tuent lont , et puis les chasseurs fashionables qui ne tuent rien. Chacune de ces divisions se subdivise en plusieurs fractions qui souvent tieuneni de l’une et de l’autre, et quelquefois de toutes ensemble.

Dans notre siècle d’aigent , l’aristocratie des écus remplace l’aristocratie à créneaux. Les fortunes s’élèvent d’un côté, elles s’abaissent de l’autre, car rien dans ce monde ne restant slationnaire, celles qui n’augmenlent pas diminuent. Les uns Iravaillent et acquièrent, ils achètent des chiens et chassent ; les autres restent les bras croisés et ils perdent ; voulant se maintenir en équilibre, ils suppiimeul leurs équipages, et tirantd’un sac deux moutures, ils louent aux épiciers de la ville le droit de chasser. Coniliien de nobles hommes ne pourrais-je pas citer qui , vivant dans des châteaux à lourelles, ont vendu a leur maçon , à leur couvreur , la permission de tuer des lièvres et des perdreaux. Ceux-ci, ne voulant pas supporlor seuls une grande dépense, ont mis la chasse en actions comme une entreprise industrielle ; ils se sont adjoint le boulanger , le tailleur , le rentier , le marchand du coin ; et une population nouvelle vient , à jour fixe , se ruer sur les terres seigneuriales , étonnées de se voir envahies par des chasseuis roturiers.

Ces associations se forment aujourd’hui dans toutes les classes : les hauts financiers louent des parcs royaux , et se persuadent que leurs chasses ressemblent ii celles