Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/290

Cette page n’a pas encore été corrigée

21(1 I. MAlïlll’SSl !; DE TAItLK IVIlOTE.

ancien ami, et bicnlùl loiile la socii’lc passe dans la salle h nianf,’or. I.c ( onp d (lil est ravissant. La table étincelle, il n’y a pas moins ilo cinquante conveits, et los convives paraissent tous ïïcns de Itonne compagnie. Les femmes soûl ^éiHTalcmenl jeunes, jolies, mises avec rccliorclic, { ;iacieuses, avenantes et aliusanl |p|us ou moins de leurs yeux noirs ou bleus, de la candeur touchante de leur beauté anglaise ou de la provocante vivacité de leni’ |iliysionomie parisienne. La maîtresse de maison a (piaranlc ans ; elle est grande, nu peu faliguée, vise ii l’effet et s’exprime facilement, lîlle parle volontiers de ses reLitions avec le beau monde, de ses amitiés aristocrati(]ues et de ses malheurs... Car la femme (pii préside h une table d’hôte à G francs par lête a toujours été lielle, i iclie et nol)le. Les larmes, a la vérité, ont légèrement Iléiri sa beaulé. Le (yran h qui on avait conllé son innocence et sa dol a également abusé de l’une et de l’autre, e( bien que la victime ne vous apparaisse plus aujourd’hui que sous l’humble nom de niadame veuve Martin, ce n’est lii, vous pouvez l’en croire, qu’une précaution dictée par une honoiable lierlé. Son mm ilable nom est illuslieel sa famille Irès-haut placée. — Il esl rare que ce roman, llùlé en simJiuur ii l’oreille de quelque céladon en perruque, n’arrache pas un gros soupir à l’heureui conlldenl. Sans doute le fond de l’hisloire n’esl |ias neuf, et c’esl lîi précisément ce qui (ail son mérite et son succès. On se prémunit contre les sniprises, on repousse tonld’aboid ce qui est extraordinaire ; on est s ;ins défiance confie les choses vulgaires. Mais c’est dans les détails que brille particulièrement le lalenl di’ madame Mailin. (,)iielle haliilelé à varier les épisodes de son récit selon la (pialilé et le goni présumé de l’audileiir !

Quede fines broderies sur ce canevas usé ! Avec quelle merveilleuse légèreté 

l’Ile sait glisser sur ce qui peut déplaire, tourner les diflîculléset raccommoder les contradictions ! C’est, au point de vue de l’art, h tomber a genoux d’adiiiiralion devant celte profonde diplomatie, cette savante rhétorique de la coqnellerie. Il faut une grande expérience ou une perspicacité surualurelle pour voir clair h traversées nuages éblouissants, et tirer, du fond de son puits, nue vérité qui ne gagne pas toujours à se montrer toute nue. Dans le fait, madame Martin n’est pas aussi infortunée qu’elle veut le paraître, et sa douleur ne s’enveloppe pas de voiles tellement épais qu’ils repoussent toutes les consolations. Si vous la surprenez pleurant quelquefois, ce n’est ni sur sa forliine |ierdue, ni même sur sa répiilalion endommagée. Les regrets de madame Martin oui un fondement plus solide, el se Iradiii raient assez fidèlement par le refrain peu sentimental d’une célèbre Grund’-Mcre. Madame Martin n’a pas vu le jour sous des lambris dorés, mais dans la modeste soupcnle d’un portier, poétique berceau, nid féciMid d’où s’envole incessamment ccl essaim de jolies femmes qui font tour à tour le désespoir el la joie des amoureux incompris et des galants "a la réforme. C’est de là que madame Martin s’est élancée, un beau matin, do sou pied léger sur la scène du monde, comme tant d’autres charmantes créatures de sou espèce s’élancent chaque jour sur la scène du Grand-Opéra , la corde roide de madame Saqui ou l’humble fauteuil de la modisle. Depuis , elle a parcouru l’Europe de toutes les manières et dans lous les équipages, il pied, h cheval, en voilure, en poste, en diligence, sur l’impériale ou ilans le coupé, selon les phases diverses de son iuconslante fortune. Madame Martin