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I.K JOIKLU D’ECHKOS. 205

bien iuiprudenmieiil vos cavaliers. — Le fiénéral a bien manœuvré pour sauver sa tour, elcelc. — On cioil toujours èlre au bivouac le soir d’une bataille, lit ce qu’il v a de mieux au fond de cette passion innocente, c’est (jue ledéiioùt et la saliélé n’arriventpoint ; c’est que les illusions enivrantesde la veille recommencent le lendemain ; c’est que, pour le joueur d’écliecs, tout est vanité, hormis le )uat. . la suite de ces batailles il n’y a jamais de Cincinnatus désenchanté qui courta sa charrue ; jamais de Cliarles-Uiiint philosophe sacheminant vers l’ermitaiie de Saint-Just, par dédain de la gloire et des hommes : vainqueur, on reste sur le champ de l)ataille ; aincn, on ressuscite ses morts, el on recommence le combat ; un peuple de spectateurs vous complimente, ou vous console, selon la chance ; six fois par jour, on passe sous des arcs triomphaux ou sous les fourches caudines ; et l’heure <|ui sonne "a la pendule du iliauip-clos vous retrouve toujours, l’a. sur le même terrain, aujourd’hui contre des Anijlais, demain contre des lUisses, après-demain contre la sainte-alliance, ou eu pleine guerre civile contre des Français, contre un parent, contre le meilleur ami. Gloire, émotion , intérêt, chagrin , Joie de tous les moments et de tous les jours ! La vieillesse même ne vous arrache pas aux molles fatigues de ces campagnes. Il n’y a point d’hôtel des Invalides pour le héros de réchii|nier. Voyez au club Mcuars ce noble et frais chevalier de Barneville ! c’est le contemporain de Philidor et de J.-J. Kousseau : il a joué avec Emile el Saint-Preux au café Procope ; il a reçu la pièce du grand Philidor. Louis W régnant, il commençait sa partie par le cou/) (lu liirtiir ilassiiiuf , "a deux heures après midi, avec quelque encyclopédiste du faubourg Saint-Germain. Aujourd’hui , a la même heure, il débute par le (jambïl du capitaine Évans, avec M. de Jouy, avec M. de Lacretelle , avec M. Jay ; et celte ligure de vieillard si fraîche, si calme, si bonne, a «ardé les mêmes expressions de joie après une victoire, le même rayonnement de bonheur, qui éclataient devant J.-J. Rousseau ou d’Alemberl. Quel magnifique el vivant plaidoyer en faveur des échecs ! el aussi quelle hygiène puissante oubliée par la médecine ! Cette bienfaisante activité de l’esprit, mise en jeu aux mêmes heures, et appliquée au même but, régularise admirablement toutes les fonctions du corps, el donne aux organes une routine d’existence facile (]ue rien ne peut interrompre. In joueur d’échecs n’a pas le temps d’être malade, ni de mourir aujourd’hui . parce (ju’il faut qu’il fasse sa partie demain.

A l’époque où les rois n’avaient autre chose "a faire que de régner, l’échiquier était en haute vénéialion dans les cours ; aujourd luii le peuple, en affectant quelques-uns des pouvoirs de la royauté, a compris le jeu des échecs dans les conquêtes qu’il a faites sur les trônes. Aussi le noble jeu, devenu populaire d’aristocrate qu’il était, a fait des prourès immenses. Les Anglais, qui publient sur tout des volumes qu’on lit peu en Angleterre el beaucoup ailleurs, ont imprimé quelques centaines d’ouvrages sur les échecs, et ils ont rendu service a l’art. Autrefois Lolli et le Calabrais faisaient autorité dans le jeu : ces auteurs, nés trop tôt, malheureusement, comme tous les écrivains qui n’ont pas le bonheur de vivre avec nous, ont perdu "a peu près tout leur crédit, et conservent encore dans une bibliothèque une place houcirablc quand ils sont |iiopreinenl reliés. On a inventé depuis une foule de