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200 LA CIIANOINESSE.

lie la Providence ! — Corsage de drap d’or en pointe. — Des jours meilleurs luiroul, la vérité l’emportera. — C’est une robe h queue. — El notre mère, la sainte Église, se relèvera triomphante. — Dites-lui surtout qu’elle soit bien décolletée. La. sœdr. Que le Seigneur accomplisse vos vœux !

La CHANOiNESSE, — {Bas à Amélie. ) 11 faut que Gustave soit de la partie. — .le ne veux pas, ma sœur, me borner à de stériles vœux. — Vous vous chargerez, ma chère, de nous l’amener. — Il faut pourtant que je consulte mes forces. — Cela fera bien enrager la marquise. — .le ne puis donner que peu. — Surtout, que cela n’ait pas l’air d’un rendez-vous. — Mais je le donne de tout cœur. La chanoinessc se lève, chausse de fines pantoufles et donne une bourse modestement garnie à sœur Thérèse qui se retire après force révérences, et les deux amies achèvent leur épîlre.

Quelques mois se sont écoulés depuis cette scène, et voilà que, pour la première fois de sa vie, la chanoinessc se prend d’une passion séiieuse, et voila qu’une rivale plus belle, plus jeune et plus riche lui ravit insolemment sa proie. Oh ! alors le dépit se traduit en dévotion outrée. Elle prend un aumônier plus jeune, et ne le quitte plus. Elle le consulte a toute heure, apprend de lui les douceurs du repe ntir, et verse dans son cœur les soupirs de la pénitence. Enfermés ensemble pendant de longues journées, ils se livrent a d’ascétiques contemplations, confondent leurs prières et leurs vœux, et la chanoinessc convertie ne leconnaît plus qu’un seul culte, une seule foi, un seul Dieu.

Dès lors, plus de réunions, plus de festins. L’agent de change ne se montre plus ; Amélie même est congédiée ; l’aumônier seul reste, maître désormais des affaires spirituelles et temporelles.

C’est un dieu jaloux qui écarte les profanes, c’est un pasteur plein d’amour qui enferme la brebis au bercail, afln qu’elle ne puisse plus s’égarer. Oh I qui pourrait dire les saintes douleurs de ce cœur attristé ? Qui pourrait dépeindre les pieuses extases, les larmes brûlantes, les cruelles macérations de cette Samaritaine ? Qui pourrail pénétrer les mystères de cet oratoire où deux âmes se confondent, l’une offrant, l’autre acceptant de ravissantes consolations ?

Mais les tentations sont encore a craindre pour la pécheresse repentie : les éclats de ce monde qu’elle a tant aimé peuvent arriver jusqu’à elle. L’aumônier lui commande une retraite plus austère : elle parcourt les couvents, édilie les sœurs par les élans de sa contrition, et baigne de pleurs la couche solitaire des cellules. Sans doute elle ira renfermer sa vie agitée dans un de ces ports de salut ; à moins que par hasard elle ne rencontre quelque malheureux prince allemand, quelque Cobourg égaré, qui lui offre un nom illustre en échange de sa fortune. Alors elle (inira par où elle aurait voulu commencer.

Elias Reqnaitlt.