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Cbrisl ; l’Ile n’appailuMil pas au inuiide spirituel, car elle conserve loule sa lilifité, tousses plaisirs, loulesses joies.

Elle a pris le voile, el ne le met pas : elle a un oratoire, et ne prie pas ; elle a un confesseur, el ne se repent pas ; elle a un amant, et ny renonce pas. Tout chez elle est (iclion, et son litre, etson célilial, et son couvent : c’est une existence sans hariMonie et sans liens. Kt comme, après tout, même un défaut d’harmonie iloitavoir sa loïi(iue, toutcliezelle se ressent de celte révolte sociale : ses manières sont équivo(|ues, son allure empruntée, et sa vie remplie de fiênes... Klle n’est pas admise chez les femmes qui se piquent d’être vertueuses, parce que ses mœurs sont trop libres ; elle est repoussée par les femmes faciles, parce qu’elle est trop prude. Chez les <lévols on la com[)aiea un prêtre défroqué ; chez les incrédules on lui leproclie de s’être affublée du froc. Les uns ne veulent pas d’elle, ^«ofV/Ht’ relifiieuse, les autres parce que religieuse. Partout elle souffre des péchés de sa double nature. C’est en voyant les tribulations de la chanoinesse que j’ai appris combien l’andiogyne, s’il existait, serait un être maliieureux. Dédaigné par les hommes, parce quil est homme ; liai par les femmes, parce qu’il est femme, il n’aurait les bénélices ni de lafignremâlederun, ni des formes délicates de l’autre. Il ne demanderait que la moitié du bonheur (|u’il peut donner ou recevoir, et il ne lui serait même pas permis de se partager. Amant et amante h la fois, il ne trouverait pas qui aimer, ni par qui êtr<’ aimé. Avec ces doubles facultés qui ne peuvent ni être satisfaites, ni se satisfaire elles-mêmes, il s’épuiserait en vains désirs, se débattrait impuissant sous sa trop grande puissance, et maudirait le ciel qui, en faisant pour lui plus (jue pour tout autre, lui interdit en même temps d’user de ses trésors.

La chanoinesse a perdu sa mère de bonne heure ; c’est ce cjui explique sa position excentrique et son célibat, et bien d’autres choses qui ont précédé et peut-être motivé son entrée dans les ordres. Son père, homme simple et débonnaire, dont toute une vie de labeurs a été consacrée a gagner les richesses qu’elle gouverne, fuit le mond<’ qu’elle recherche, et se retranche dans la solitude contre les réceptions brillantes qu’elle affectionne. Sur sa figure septuagénaire se lisent quelquefois des reproches ; mais jamais sa bouche ne les fait entendre, soit qu’il les dédaigne, soit qu’il les ail épuisés. Ainsi privée de sa mère par la mort, séparée de son père par sa vie, la chanoinesse n’a pas de famille. Toutefois, pour compléter les illusions de son titie matrimonial, elle se dévoue habituellement a l’éducation de quelque produit collatéral, choyé, fêté, gâté au delà du possible, qui l’appelle ma tante ; cet enfant est pour elle si adorable, el pour tout ce qui l’environne si insupportable, qu’on s’égare ’a ex|)liqucr l’aveugle tendresse qu’elle lui prodigue. Jamais, au surplus, on ne parle de la mère ; il n’en reste dans la maison aucun souvenir. Quant au père, on est moins discret ; mais l’indiscrétion n’est alors que de la diplomatie. Dans un de ces moments de feinte indifférence où les femmes semblent laisser tomber des paroles au hasard, la chanoinesse vous dira que cet enfant est fils de quelque prince exotique ; elle se garde bien do donner "a cet aveu l’air d’une confidence ; non, elle s’y arrête d’autant moins qu’elle y attache une imi)orlance plus grande. Elle se soucie peu, en effet, que dans votre esprit vous lui attribuiez les honneurs de la maternité, pourvu que celle niaiei nilé vienne