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L !nc lois ce rôle accepté, le faubourg Saint-Germain ne recule devant aucune des <(inséqucnces. Il ausmenle le personnel de ses couvents, stimule le zèle de ses missionnaires, el voit l)ienlôt accourir la milice des moines de tout sexe et de toute couleur, pénitents blancs, noirs, gris, frères de Saint-Josepli, sœurs de la Miséricorde, franciscains, dominicains et bernardins. I,e faubourg est devenu un niicro-CDsiueducatliitlicisme. La métropole est a Sain t-Tliomas-d’Aquin, le siège des conciles il l’Abbaye-aux-Bois, la retraite des néophytes au Sacre-Cœur, et celle des vétérans hors de combat à Sainle-Valère.

Cette résolution de prendre le contre-pied de son siècle a bien quelque chose d’énergique ; mais elle a dû produire d’étranges ancmialies. llne des plus curieuses, sans contredit, est celte variété de l’espèce monacale, qu’on appelle chanoinesse. La chanoinesse esl une demoiselle d’un àge.miir, qui est religieuse sans Cire cloîtiée, dame sans être mariée, comtesse sans être noble.

Pour acquérir ces précieux droits, il suffit de s’adresser à quelqu’un des petits princes catholiques de l’Allemagne, et moyennant trois ou quatre mille francs expédiés, soit en Saxe, soit en Bavière, soit dans une des provinces lihénanes, on fait partie d’un chapitre tudesque, dont l’existence est tonte nominale, et n’a de réalité que comme annexe de l’un des soixante budgets qui alimentent l’une des soixante constitutions de la bienheureuse Allemagne. C’est la tout ce qui reste des empiétements de la féodalité snr les domaines do l’église ; c’est le dernier débris de la puissance spirituelle de l’empire après la longue et sanglante querelle des investitures. Il y a dans le genre chano’mcsse plusieurs espèces. L’une se compose des demoiselles nobles el pauvres, qui sacrifient une faible dot pour obtenir, sans se mésallier, l’heureux droit de s’appeler madame. Celles-là mènentunevie pâle et décolorée, cl remplacent les douceurs de la famille par la joie des œuvres pieuses. L’autre est aussi de haut rang, et comprend les demoiselles déjà émancipées de fait qui veulent l’être de droit. C’est une race hautaine el tant soit peu philosophi- (|ue, qui se rit des préjugés de castes et surtout des préjugés de femmes. Sans avoir de fortune, elles savent, par leurs séduisantes allures, se créer un rôle brillant. Elles (•xploitent suiloul avec un rare bonheur la vanité des étrangers opulents, tout Oei’s d’être reçus, "a leur débar<]ueinent, par une descendante en ligne directe d’Anne de Ifrelagno ou du roi IJené.

La troisième espèce el la plus digne d’étude esl celle des riches rotuiières qui veulenleffacer leur origine snus le titre de conitess", et voiler les malheurs de jeunesse sous un nom mitrimonial. Voila celle qii.’ nous nous proposons de peindre. Une fois en possession de son diplôme, la chanoinesse s’établit au faubourg Saint-Germain ; c’est l’a seulement qu’elle peut être prise au sérieux. Dès lors commence pour elle une nouvelle existence ; elle forme une classe à part dans la société : elle n’est ni fille, ni femme, ni veuve. Il y a des sopliisles qui prétendent qu’elle est tout cela "a la fois.

Elle n’est pas noble, car elle n’a pas d aïeux ; elle n’est pas roturière, car elle est comtesse.

i ;ile ii'ai>partienl pas au monde lomporel, car elle est devenue l’épouse de Jésus-