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et à mille ulopics gcnércuses cl rcs|)leuilissaiites de lumière, Augusle u’avail vu dans la ilépulation tiiruii moyen de bien se présenter a Paris. Au moyen de ce titre de député, il était tout de suite en bonne posture dans les salons, il était admis de plein pied et naturalise sans eniiuète préalable ; il avait une valeur, une sigiiilication personnelle, une position même, car un suffrage et une voix, sont des choses toujours recherchées et dont il disposait. Il se souvenait que le comte de jeune diplomate, qui s’était mis sur les rangs dans l’ariondissement voisin de celui qu’il représentait, lui répétait souvent : n A Paris, on ne fait plus attention qu’aux députés. » Cette considération, et eu second lieu l’amour du bien public, l’avaient déterminé à se présenter aux électeurs. Il était donc un peu désappointé eu se trouvant aux piises avec une obligation qui dérangeait la charmante existence qu’il s’était si doucement créée. La chambre allait discuter une loi qui intéressait au plus haut point la localité qui l’avait élu ; rien ne pouvait justifier son silence. Il se prépara "a prendre la parole. Je ne comprenais rien a la peur (jui l’agitait. Ce retour de modestie (loussée jusqu’il la frayeur, au delà même de sa timidité d’autrefois, me surprenait. Qu’étaient donc devenues cette assurance en lui-même, cette confiance dans ses propres forces, et cette satisfaction du fruit (juil avait letiré de tant d’illustres eutretiens ? Comment s’étaient évanouis tout ii coup les motifs de sécurité qui lui donnaient presque de l’arrogance il y a quelques jours encore’ ? C’est qu’au milieu de ses plus vives préoccupations Auguste avait un sens droit que la vanité avait égaré un instant sans le fausser. En ce moment il se rappela les jeunes orateurs qui , dès leur entrée dans la chambre, s’étaient élancés a la tribune, et s’y étaient brûlés comme d’imprudents papillons qui viennent se griller "a la flamme d’une bougie. 11 récapitula les noms de toutes les célélnilés de province , de toutes les gloires départementales . de toutes les sommités de clocher et de tous les phénix d’arrondissement qui étaient venus tombei’ sous les huées de l’amphithéâtre et de la presse ; il se souvint de toutes les ardeurs de réforme, de tous les zèles de perfectionnement, de toutes les ferveurs patriotiques et de tous les rêves inerveilleux qu’il avait vus échouer et réduits à se cacher dans l’ombre. VoiPa pourquoi il tremblait "a la veille d’une épreuve qui allait lui assigner un rang parmi ses collègues et aux yeux de ses concitoyens. Dans cette grande perturbation . que de vanité il y avait encore !

Trois jours entiei’s furent consacrés a improviser le discours d’Auguste ; pour être bieu sûr de son éloquence, il le répéta plusieurs fois , avec et sans le manuscrit. J’avais pour moi une longue expérience des débats parlementaires, je savais comment les orateurs les plus renommés se disposaient "a la parole. J’avais vu un d’entreeux corriger sur pièces écrites la harangue qu’il avait improvisée ; j’avais suivi sur le manuscrit le discours d’un orateur qui l’avait appris comme un prédicateur apprend un sermon ; j’avais dit , dans une session précédente. « *’* parlera prochainement, car. depuis deux mois, il enregistre tous les bons mots qu’il entend ; » j’avais pris plaisir à épier dans les longues promenades d’un homme, dont la parole avait un poids considérable , le pénible enfantement d’un discours. Tous les secrets de la parturition oratoire m’étaient connus : il en est de l’improvisation "a la chambre’des députés et dans toutes les assemblées délibérantes . comme de l’amitié dans le monde . rien n’est