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I8S LE iJEim TE.

la parole ijieuveillaiilo : c’est lo grand orateur des distinutioiis sociales. Vous pluit-iî de contempler le plus iufluent de nos lionimes d’état ? C’est cet homme petit et vif dont les saillies luetlenten gaieté ce groupe du couloir de droite, au pied de la Iriliune ; il a toute la majesté d’un écolier en vacances. Jetez les yeux, sur cet homme dont le costume est si solennel , le pas mesuré , le visage méditatif, et sur lequel on dirait que repose le destin des empires : c’est l’homme le plus heureusement désœuvré de l’assemblée ; il est sans exemple <iu’il ait pris part a une délibération quelconque. L’histoire de sa nomination est à elle seule une des |>lus amusantes anecdotes de la vie parlementaire. Ce llegmedont il est couvert de pied eu cap faisait le désespoir do son intérieur ; il se posait chez lui en censeur incommode et inamovible, contrôlant tout avec une insupportable pesanteur et avec une imperturbable sévérité. Sa femme imagina qu’elle pouvait le recommander aux électeurs de l’arrondissement dans lequel étaient situés les biens considérables qu’elle lui avait apportés en dot ; elle a réussi dans celle candidature, et la chambre est actuellement dotée de cette ligure glaciale qui désolait le ménage. Il n’est qu’une seule esjjèce de personnes qui , par leur nombre, se fassent remarquer dans l’assemblée : ce sont les avocats ; et veuillez être persuadés que ce n’est pas parce que d’avocats ils sont devenus députés, mais parce qu’étant députés ils sont restés avocats.

J’aperçus Auguste, il était effectivement engagé dans une conversation des plus animées ; mais on riait si haut et si fort, on paraissait si follement enjoué, que les matières politiques n’étaient sans doute pas le sujet principal de cet entretien. D’ailleurs, les interlocuteurs, armés de lorgnons, promenaient leurs regards sur les dames des tribunes ; leurs observations étaient évidemment la matière de la conversation ; il y avait même de leur part quelque jactance a bien faire voir qu’il en était ainsi et à se donner des airs étourdis. En vérité, ces messieurs n’avaient pas besoin de prendre tant de peine pour ipion ne les conibndit pas avec des hommes politiques. A la sortie de la séance, j’allai chercher Auguste, au(juel j’avais quelques éclaircissements a demander. Dans les couloirs de la chambre , on arrangeait les parties de dîner ; dans la salle des conférences, on pariait de quelques tableaux du Musée ; a la bibliothèque, on lisait des journaux ; on riait aux éclats dans la buvette ; dans la salle des Pas-Perilus , il y avait une discussion fort animée sur une jeune cantatrice. Comme il advint (|ue je m’obstinais ’a croire qu’Auguste était étranger a ces brillantes futilités, je ne le rencontrai nulle part. Le soir, j’allai a l’Opéra : la première personne (|ue je vis au foyer, c’était Auguste. Le matin, ii la chambre, il était en costume déjeune dandy ; à l’Opéra, il était velu comme un magistrat. Il y avaitl’a un petit rassemblement, Auguste me lit signe d’approcher sans bruit , sans troubler ni déranger personne ; on discutait un des points les plus intéressants de la politique actuelle. Un moment terrible menaçait Auguste : je le voyais sombre et soucieux, et tout trahissait en lui de secrètes et rudes angoisses. On lui avait éciit du chef-lieu de sou arrondissement , on s’étonnait do son silence , on en était mécontent : les uns s’en servaient pour mettre en doute sa capacité personnelle, les autres le faisaient tourner contre la sincérité doses opinions politiques. H fallait parler. Malgré tout son étnlagc d’économie politique, de dévouement aux intérêts généraux, "a la cause du progrès