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LE MKLOMANE. 475

les Mozart, les Beolluivoii, los Uossini, il n’y avait plus rien ilo nouveau sous les sept notes (le la fjamiue. Kneur ; nous avons vu léeeminent surgir des Mahomet, des Calvin (|ui afnelient la prétention de changer complètement les anciennes croyances musicales, de raènieiiue Sj^anarelle se flattait d’avoir clianîjé le cœur à cjamlic. Parmi ces nouveaux sectaires, nous cileions lesJacotots lyriques, <]ui, s’appuyant sur l’axiome : « Tout est dans tout, » prétendent que la musique est susceptible d’exprimer quoi que ce soit, fût-ce môme un raisonnement théolosique, philosophique, politique, didactique, csthéli(]ue, éclecliciue, etc. ; un fait d’histoire, une discussion parlementaire, une variation d’un demi-centime dans le cours de la Bourse, ou une dé|)cche télégraphique interrompue par le brouillard. Pour qu’on ne nous accuse pas d’exagérer, il nous suffira de rappeler ces programmes de concerts, dans lesquels on annonce des fiutiaïs’ies morales ou humanitaires, des .si/Hi ;;/iO)i/M fantastiques, poétiques et dramatiques. Les auteurs de ces compositions ne prétendent-ils pas exprimer non-seulement tous les effets de la nature physique, mais encore les émotions les plus intimes du cœur, les vicissitudes les jilus romanesques de la destinée humaine ; et cela au moyen de croches, de bécarres et de cadences ? Ainsi un compositeur a rédigé naguère une notice biographique en symphonie, sous ce titre : Une vie d’arliste. Entre autres cliapilres,e livret explicatif indiquait la description d’une Promenade dam la plaine. Or la musique consacrée h ce sujet aurait tout aussi exactement dépeint une promenade sur les tours de Saint-Su Ipice.

Ainsi encore un jeune pianiste, aussi connu par la grandeur de son talent que par la longueur de ses cheveux, a proclamé hautement l’inleiUion de transformer son piano à queue en chaire d’enseignement humanitaire. Il n’est pas une de ses notes bémoiisées ou diatoniques, qui, d’après son système, ne tende a rendre les hommes meilleurs. Et si parfois il frappe sur les touches au point de les briser, c’est afin d’inculquer avec plus de force ses préceptes moralisateurs. ISous avons enhn une troisième petite église musicale, de création toute moderne, avec son pontife, et qui se compose de Jérémies partisans exclusifs de la musique gémissante, souffrante et attendrissante. Leur répertoire est formé uniquement de lamentations notées et intitulées un soupir, tine larme, un sanglot, un désespoir, etc. Lorsqu’ils se font entendre dans une société ou dans un concert, on déviait avoir la précaution de distribuer des mouchoirs a la porte. En vérité, il est des moments où tout ce fatras de chants bizarres, prétentieux et ennuyeux vous forcerait presque il regretter les beaux temps lyriques de la Boulangère, du CInir de la lune et de la l’ipe de tabac.

Nous avons dit qu’aujourd’hui le dilettantisme était aussi parfois un calcul. Combien de parents, en effet, spéculent sur le piano et la cavatino brillante, comme moyens d’établissements économi(]ues pour leurs tilles ! Combien de Duprez amateurs, qui se fiant a cet axiome d’opéra-comique : « L’oreille ravie est bien près du cœur. Il s’efforcent d’atteindre a Val de poitrine dans l’unique but de charmer quelque riche héritière ! culte platonique de l’art pour l’art, qu’êtes-vous devenu ? Il nous reste à signaler une classe de mélomanes qui unit le double caractère de