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lais : ils les trouvent plus robusies, plus intelligents , plus actifs que ceux des autres pays ; ils les ont même presque Ions chez eu à titre d’apprentis, qu’ils logent, liajjillent, nourrissent, et transforment par la suite en garçons fumistes. Ils ont pour règle, une fois la race piémontaise introduite dans leurs ateliers, de ne point en admettre d’autre, car le mélange des pays allumerait infailliblement la guei-re civile. Les ramoneurs piémontais, accommodants et ainialiles sur presque tous les points, sont intraitables sur celui de la nationalité ; ils forment entre eux une confrérie des plus serrées, une sorte d’oligarchie patriotique. Ils naissent au sein des sublimes horreurs du Siniplou , au milieu des plus beaux rochers du monde , des sapins , des mélèzes, des voûtes de granit et des torrents fougueux et argentés ; ils croissent presque tous dans les environs d’une jolie petite ville qu’on appelle Domo-il’Ossola, (pii possède le privilège exclusif de la production du ramoneur, comme Berganie celui des ténors, et Bologne celui des mortatlellcs. fte Pomo-d’Ossola, on arrive à iMi village appelé Filla, frais et verdoyant connue le nom ()u’il porte, puis, par des festons de vignes, des anneaux de verdure, des prairies sans cesse humides et mouillées comme des pieds de iNvmplies, on se trouve sur le lac Majeur, et de là A Milan la bonne ville, t’est à Milan que le ramoneur i)iémontais fait ses débuts ; il commence par s’essayer dans les vastes cheminées des immenses />atas lombards, avant de se confier aux gorges si souvent étroites, inclinées et inaccessibles des cheminées |tarisiennes.

Ainsi, dans tous les genres d’industrie, de travaux et d’applications, Paris est le centre général vers lequel tout vient aboutir ; arts ou métiers, chacun y apporte le tribut de ses progrès, la théorie de ses nouveaux talents : ainsi du ramoneur. Du reste , la vie de ce jeune industriel est marquée d’avance dans les grands ateliers de fumistes des environs des barrières : là il retrouve nnt colonie , un échantillon du peuple qu’il vient de quitter ; il s’aguerrit au français en entendant encore résonner à ses oreilles les terminaisons de l’idiome natif ; il trouve dans les ouvriers supérieurs à la fois des guides, des iustitiitein-s, des patrons qui lui rendent la tâche l)kis légère, lui adoucissent les premiers écueils de l’apprenlissage. Un ramoneur liiémontais, grâce au jjatronage patriotique, a des chances d’avancement et de bienctre t|ue les ramoneurs des autres pays ne sauraient avoir. On peut les considérer comme les enfants gâtés du métier. 11 est à remarquer aussi qu’ils apprennent la langue française avec une vitesse excessive ; trois mois leur suffisent quelquefois pour se faire comprendre parfaitement : cette intelligence naturelle, jointe aux garanties qu’ils présentent par les recommandations de leurs compatriotes, expliipie suffisamment la préférence et la confiante prédilection ijue les entrepreneurs leur témoignent dans la plupart des ateliers.

Mais il est temps de laisser de coté le Piémontais pour nous occuper du type du ramoneur le plus populaire, le plus répandu, el, disons-le aussi, le moins utile, le Savoyard.

On s’est plus d’une fois élevé avec i-aison contre le métier injuste et souvent barbare que viennent exercer à Paris ces malheureux enfants qui nous arrivent paiinillirrs. au commencement de chaque annéi’, à l’époque où les hirondelles nous