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I.F.S COLLKC.TIONNKURS. 127

juslci liiii sur 1 aulie ses resli’s inrorluni-s. ô (louleur ! le collectionneur se cnnvainf |uii que sa |>iiiicesse pliaraonienne n’élailqnun homme ; ee fut pour lui un coup mortel, un désespoir sans nom ; il languit quelque temps, puis il mourut et fut enterré dans une caisse de la plus belle de ses momies.

Maintenant, après cet examen lidèle des collectionneurs véritaliles. il ne sera pa inutile d’arriver aux collectionneurs biocanteurs qui sont les calculateurs de l’espèce, la honte du îienre, une énormilé comme de la poésie soumise a des idées mathématiques.

Le collectionneur brocanteur a souvent au premier abord, "a la première vue, le même extérieur que le véritable collectionneur ; on trouvera chez le brocanteur le même enthousiasme (le la chose colleclionnée,]e même mépris pour tout ce qui n’est pas cette chose, la même indifférence pour le reste de la création ; le brocanteur se montrera plus ardent, plus entier, plus incisif dans son langage ; son costume sera celui du savant le plus oriïueilleux de sa crasse classique ; il ne prendra aucun soin de sa personne, il semblera s’onlilier lui-même pour ne songer qu’a l’objet de sa passion, et contrefera l’amoureux : il rusira pour sa belle, et cependant cet homme ne sera qu’un habile comédien, qu’un jongleur adroit : son amour pour la chose collectionnée ne sera qu’un moyen.

Ainsi tel homme collectionne pendant dix ans de vieux bouquins, les fait relier, les annote, les illustre de gravures prises à droite et ’a gauche, et d’autographes pris Dieu sait où ; il trace sur quelques pages blanches laissées par le relieur au commencement du volume, la l)iographie de l’auteur : il sisine cet exemplaire de son nom de baptême et de son nom de famille, auquel il ajoute le titre de membre de plusieurs académies ; il a un timbre pour timbrer les raretés qui passent par ses mains, et dit le nombre d’éditions qu’a eues tel ou tel ouvraae ; il cite leurs dates et le nom de leurs imprimeurs. Peu "a peu les libraires et les bouquinistes leréputent célèbre bibliographe ; car le journal de la libraire a publié une dissertation de lui sur les Aides ou les EIzevirs, la société des bibliophiles le reçoit dans son sein avec acclamation ; les revues retentissent de son nom, l’étranger le consulte avec respect, et le ministère de l’intérieur le nomme bibliothécaire dune des bibliothèques publiques ; quelques années plus tard, il arrive à l’Institut et l’on ne parle plus du biblioïraphe qu’en ajoutant "a son nom, comme phrase obligée :

Ce’savant dont la France s’honore....

Une fois parvenu a ce point, la comédie est jouée, la collection n’est plus bonne a rien, il faut procéder avec charlatanisme "a sa vente : c’est alors que paraîtront des catalogues raisonnes, sur lesquels il sera fait mention de toutes les annotations que le savant dont la France s’honore a prodiguées à ses bouquins décrassés et reliés. La collection sera vendue vingt, trente et quelquefois quarante fois sa valeur, et le collectionneur passera aux yeux de la foule pour un érndil dont les veilles sont consacrées aux travaux scientifiques.

In autre brocanteur dépouillera les églises de leur* leliquaires el de leurs ver-