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Il i LA riGURANÏi :.

letles, les clilaniydes grecques a la queue IraînaïUo, les robes lamées d’argeiil, les perles dans les cheveux, les pendanis d’oreilles, les colliers de diamanls, les anneaux de (opaze, celle blancheur si nette de la peau que ne se refuse aucune actrice, les babouches de soie et de velouis, tout cel appareil féericpie brille a leurs yeux comme un mirage. On dirait qu’à ces heures-l’a la reine Mab de SImkspeare leur apparaît toute souriante, sur son char étincelautde pierreries.

Les pauvres petites ! elles se voient applaudies, couvertes de fleurs, comblées de caresses, reilemandées avec transport ; elles jouissent des désirs qu’elles inspirent, elles sont hères de la beauté dont on les loue. Encore si ces songes décevants devaient s’arrêter la !

Mais tout en accomplissant leur lâche, quand, l’aiguille et les ciseaux a la main, elles causent en brodant a la manière des Mlles de Minée, chacune d’elles répèle les couplets qu’elle a entendu chanter. Toutes jouent un rôle dans une comédie pour rire ; on essaie sa voix, on se façonne peu h peu aux alluies de la scène ; on récite les tirades qu’on a vu applaudir avec le plus de frénésie. C’est une parodie sans lin, une sorte de lutte en même temps. De là à formuler des désirs, la transition, connue on pense, ne saurait se faire longtemps attendre. D’ailleurs, comme si ce n’était pas encore assez de toutes ces asjiirations jetées au vent, ou se conte à l’oreille les mille fables séduisantes qui circulent dans la foule sur l’avancement inouï de toutes les déesses théâtrales du jour. On n’oublie jamais de se dire qu’avant ses triomphes de l’Académie royale de musique, où ses beaux yeux seuls l’ont conduite, mademoiselle ’"aélé couturière. Pour mademoiselle **’, elle a été modiste tout uniment ; mademoiselle ***, pis que cela, et mademoiselle *** encore pis. Voyez maintenant combien le sentier des illusions devient glissant une fois qu’on est engagé sur cette peule rapide. Il n’est alors aucune prétention, si exagérée qu’elle soit, que les pauvres enfants ne se croient en droit de former. Après ces préliminaires obligés, quelques jours se passent pendant lesquels on prend en dégoût le travail du magasin. Les fanfreluches sont négligées, on n’est déjà plus au fait des modes. Bientôt tous les ustensiles du métier sont jetés de côté avec abjection ; puis, tous les dimanches, l’oiseau parvient à s’échapper de sa volière pour s’enrôler, de dix heures du malin à trois de l’après-midi, parmi les élèves dramatiques de M. Saint-Aulaire. Il n’y a plus moyen de se dédire : on a un théâtre, un genre, un répertoire à soi ; on joue devant un public qui applaudit plus souvent (juil ne blâme, iiien n’empêche de croire qu’on est de première force dans les conlideutes de la tragédie voltairienne, ou dans les iMadelon délurées de la comédie de Molière. A présent, on est de taille à oser bien des choses, à tenter bien des essais, dont le moindre sera de solliciter auprès d’un directeur la faveur d’un prochain début. Inutile d’ajouter que, dès la première vue, on sera engagée avec empressement a faire partie... des figurantes. Figurante ! C’était sur toute autre chose qu’on avait compté. Figurante, c’est-à-dire dame de chœurs, condamnée à d’obscures pirouettes (ui à des monosyllabes fugitifs dans les chants, quelle coupe d’absinthe à vider jusqu’à la lie ! N’importe. Il faut bien conunencer par quehpie chose. On est ligurante ce soir, demain on sera peut-être prima donna. Mon Hiou ! on a vu cent fois de ces miracles-là.