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peu que son industrie ;it prcispéré, son hygiène se répand bienli’it sur tous les eoulincnts. Néanmoins Paris, la ville du monde la plus médicale et la plus éclairée, est encore le paradis terrestre de ce charlatan ; c’est l^i qu’il enterre le plus de clients. On peut être médecin d’un IhéAtre sans cesser d’être médecin. Là, on doit eonstaler jusqu’A quel point une toux peut être légale. Le médecin d’un ihéAfre est un lynx pour les maladies imaginaires. La prima donna déleste le médecin, qui l’oblige de temps à autre ;"i se bien porter : aussi a-t-elle toujours dans ses bonnes grAces un jeune docteur choisi par elle pour plaider la migraine contradictoire. Le médecin d’une compagnie d’assurance est chargé de constater l’entité physique, la parfaite intégrité corporelle des remplaçants soumis à son examen. Il doit se montrer plus sévère que la loi même, le gouvernement étant plus méticuleux pour un remplaçant que pour un simple soMat. Qu’est-ce (|ue l’homme, physiiiuement parlant ?

Demandez à ce médecin. Ceux qu’il accepte peuvent dire avec vérité : « Je suis 

un h<imme. » Saint Pierre n’est pas plus difficile sur le choix des Ames que le médecin de recrutement sur l’aduiission des maréchaux de France. Il y a un médecin pour les vivants, pour les malades ; il y a de plus le mùlecin des morts. t :elui-ci n’est appelé que pour s’assurer de la non-existence de ses clients. On éprouve le besoin de vivre pour ne pas recevoir sa visite, car il donne des visas pour l’autre monde ; le moindre symptôme d’existence rend son ministère inutile. Les décès, les inhumations, se font par son ordre ; enfin on ne meurt pas sans sa permission. Le médecin des morts est gai comme un catafalque , vêtu de noir des pieds ii la tête ; il existe comme garantie pour les vivants et les morts ; les collatéraux lui doivent des rcmercîments. Parmi ceux que la Providence veut affliger, elle envoie aux uns une maladie, aux autres un médecin : c’est un trésor inestimable ou un mal sans remède ; on guérit d’une maladie, on ne guérit pas d’un médecin. Ayez un médecin pour ami, sinon un ami pour médecin , il aura le courage de vous mettre tout de suite au courant des secrets de l’art, et de ne point vous trouver malade si vous n’êtes qu’indisposé. Il y a des familles où le médecin est héréditaire, et où le même homme guérit, en très-peu de temps, de père en fils une foule de générations.

De nos jours, le médecin doit être ambidextre. Il a perdu de ses préjugés aristocratiques, qui ne lui ])ermettaient pas d’être confondu avec un chirurgien ; ou plutôt le chirurgien a acquis ces connaissances internes qui l’élèvent au rang de son confrère : il pratique la percussinn. En Angleterre, un médecin laisse mourir un de ses amis frappé d’apoplexie à ses côtés, pour ne pas se déshonorer... en le saignant. Depuis que les croyances sont affaiblies , le médecin et le notaire semblent avoir hérité delà société. Ce que l’on n’avoue plus au prêtre, la souffrance oblige de le conlier au médecin , ou l’intérêt le fait dévoiler au notaire : le médecin est le dépositaire forcé des mystères de l’alcôve, du boudoir, et des affections intimes ; confident obligé de toutes les faiblesses, il élève sa i)rofcssion en sauvant l’honneur des familles ; le secret de la confession est devenu le secret de la médecine. Le médecin assiste i la naissance ; pendant la vie est-on jamais sôr de pouvoir s’en passer ? Aussi, après celui (le se bien porter, il n’est pas de plus grand bonheur au monde (|ue d’avoir un bon médecin. L. lioix.