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LK MÉDECIN. (11

des eaux, l’analyse chiinitiue le regarde ; il est en outre chargé de l’iiygiénc du local. Les petites broclnires se succèdent entre ses mains ; il s’agit de prouver i|ue sa fontaine est une piscine , et qu’elle l’emporte sur tous les filtres connus. Des gens ont la témérité de iiréteiidreipu’ cette place est une siiu’cure. Il est vrai (|ue le gouvernemeni (|ui en octroie le brevet donne rarement les connaissances requises pour en l’aire usage ; mais trouver un homme qui soit A la fois i)hysicien, botaniste , géologue, chimiste et voyageur, n’est pas chose facile ; on prend un homme politiipie, et tout est dit. Çuand on n’est rien par ses emplois ou par ses titres, on peut encore s’établir homœopalhe, phrénologue ou magnétiseur ; on ne parvient pas toujours A fonder ainsi une science , mais on fonde une réputation.

Le médecin prosectein, aide on professeur d’analomie, jouit d’une grande importance, aujourd’hui qu’aucun homme ne meurt sans ((ue l’on sache ce (pi’ il aurait l’allii r.ure pour le guérir.

Dans (piille (hisse rangerons-nous celui (|iii se comiilait dans les |)hénomeiies de la nature anormale ? Sa maison est un musée assez semblable au musée Dupuylren. La Vénus hottentote y donne la main ;"i l’Apollon de Paris ; un s(pielelte type, un yuasimodo chevillé en laiton, l’embryon acéphale et le fœtus à trois têtes, lîila cl Christina, une deuxième (’dilion des frères Siamois , se rencontrent dans son ré- (icrtoire. L’espèce humaine est sublime et ridicule sous le scalpel de l’auatomiste :

il réunit les deux extrêmes, et il occupe lui-même la n’gion moyenne dans son 

muséum.

Laissons cet amateur passionné de la nature morte s’ensevelir prématurément dans son ossuaire ; occupons-nous du mé-decin des pauvres. On n’est encore mort qu’A demi (piand on a recours au nK’deein du dispensaire ; il donne des soins ù ceux (|ui n’eu peuvent attendre que de l’humanité. La philanthropie a ses apôtres pour ne pas dire ses martyrs : escalader des Tnai.sons de tous les étages, pénétrer dans des bouges quelconques, prescrire de la limonade citri((ue A ceux que des pains de quatre livres rétabliraient infailliblement, telle est l’ingrate mission du médecin philanthrope. L’administration doit les choisir jeunes pour les avoir sensibles : ; force de s’attendrir, le co’ur se pétrifie, le médecin se forme aux dépens de r(lre sensitif ; l’Ame sympathique s’évanouit. Le corps n’apparait plus que comme une matière jilus ou moins organique que l’on traite indifféremment selon telle ou telle méthode : on l’ait de la miklecine ; la philanthropie n’est plus qu’une tradition. Le nu’decin-affiehe existe de com|ile A demi avec les afficheurs, les distributeurs d’adresses sur la voie publique, qui accostent les passants dans les carrefours, cl toute cette nation fauve et avinée dont Robert Macaire est le patriarche. La publicité n’a pas pour le médecin-afliche de formes dégoûtantes : les pièges les jilus grossiers sont ceux qui prennent le plus de monde. Il spécule sur un procès : quand la publicité l’emporte sur l’amende, c’est autant de gagné, le ré((uisit(iire est une ré’clame pour lui. Il aurait fait sa fortune si tout le monde était informé qu’il a été condamné A quel(|ues mois de prison, sans pn-judice de ses mérites et (pialités individuelles. Il sait ce (jue la condamnation rend chaque année, et combien il gagne par jour A être en prison. Son exploitation ne se borne point aux limites d’uni’ rue de Paris. Pour