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(08 LE MEDECIN.

C’est une position dt’licate : le jeune médecin a seiilenienl voix e<insullalive ; le eonsullant jouit, au contraire, du douljlc vole, et résout les questions i|ue l’autre n’a fait (|ue poser ; l’accessoire l’emporte sur le principal. Le jeune médecin mandé le premier l)rend moins cher, et guérit quelquefois. On a vu de grands médecins enterrer A grands Irais leur client. Dernièrement un jeune médecin se trouva en face d’un professeur chez un riche malade ; leurs méthodes étalent opposées ; le jeune ni(’decin était celui (le la maison ; l’autre avait pour lui l’autorité d’un grand nom. Le consultant blâma ouvcrieinent le système suivi par son confrère : il fut écouté, le jeune médecin éconduit ; on lui demanda son mémoire le même jour. Le malade jouissait encore d’une apparence de santé. « Sachez bien une chose, dit le jeune médecin en remettant son mémoire , c’est que , tout professeur qu’est monsieur, son malade mourra celte nuit. » Le médecin fut repris par la famille : qu’avait donc fait son malade ? il était mort. L’art i)roprement dit consiste A ne prédire (|u’ : coup srtr, ;’i faire craindre bien plus qu’à faire espérer. Les malades qui viennent de loin mènent toujours loin leur médecin ; croire beaucoup aux remèdes est un moyen d’imposer le savoir. Des fièvres quartes ont élé guéries par des pains A cacheter. Il n’y a que la médecine (|ui nous sauve. Parlons d’abord du médecin en général ; il sera temps ensuite de le considérer dans ses divers attributs. On voit U’ médecin, apôtre prétendu de la seule relitiion qui existe encore, sans croire précisément à son art , le maintenir fi la bauleur de toutes les croyances, et l’asseoir même sur les débris du genre humain. Une société où le médecin existe seul est assurément une société malade. Néanmoins la médecine est im[)érissable, ])ar la raison éminemment péremptoire qu’il y aura toujours des médecins ; (|ue si l’honnne sain a besoin de croire ;"i quelque chose , l’homme malade croit à tout aveuglément ; et que, de toutes les maladies, la plus invétérée c’est la maladie des médecins. Pénétrer dans la conscience du médecin serait au reste entrer dans une vaste infirmerie où toutes nos passions seraient numérotées, plus celles que le médecin tient en réserve, et qui lui sont personnelles. Ceux d’entre les médecins qui s’élèvent dans les hautes abstractions de l’art, réduisant la médecine à un petit nombre de symptômes, se sont fait de bonne heure une philosophie pratique où ses pré,iugés trouvent une bonne place. Ceux-ci, en effet , ne sont-ils point des maladies ? En général, le médecin cherche son milieu comme les autres honnnes. 11 faut le voir lorsque, retranché dans un faubourg, il adopte par nécessité les sobri((uets bizarres ([ue la foule donne aux maux (pii l’affligent ; accepter en dernière analyse un vocabulaire conqiléicment hérétique pour ne pas s’aliéner des dicnls absurdes. Les malades veulent être traités pour les maladies qu’ils se supposent , et jiar les remèdes qu’ils ont prévus d’avance : de li naissent les cuups de sang et les gnmil.s ccluiuff’enienti ; de même les remèdes ont divers noms, afin que les malades puissent choisir. Par exemple, on administre avec avantage Vcxtioit de tlubaUiite A ceux qui redoulenl l’opium. C’est ainsi que Paracelse , pour ne point faire appel au mercure, inventa le suhUini. Dans une sphère plus élevée, le médecin crée, au coniraire, une foule de maladies , celles qui existent ne suffisant pas aux besoins hyperboliques de ses clients du grand monde. Il possède en outre pour lui-même un code exceplionnel ; il n’est point malade comme loul le monde, elles remèdes (pii guérissiiil un dicnl luciaicnl iiilaillililemenl un