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LA MÈRE D’ACTRICE. 83

« Avale un morcpau de jujube, ma pauvre fille... .Ifen ai fourré dans liin sac... .vale... ça te fera du bien...

— Silence ! s’écrie le régisseur.

— Mais silence donc ! reprend le directeur : sili’iice . madame de Saiiit-Hobcrl... ou ne peut pas répéter ainsi...

— C’est bon... c’est bon... on se tait... Ne Miil’i-t-il pas un i ;rand crime cpie de vouloir faire un peu de bien à son enfani ’ »

L’action du drame s’engage.

Au moment où l’un des personnages est frappé d’un coup de poignard par le irailre, madame de Saint-Robert dit tout haut :

« Tiens... c’est comme dans Cindilkic... Ah ben I... excusez 1...

— Silence ! s’écrie le régisseur.

— C’est insupportable ! reprend l’anteur.

— Oui !... c’est vraiment insupportable !... s’écrie à son tour le directeur. Mais, pour l’amour de Dieu , taisez-vous donc, madame de Saint-Robert ’.

— On se tait, on se tait. »

Le directeur est furieux, et, s’il ne craignait de contrarier Aurélie , ipii porte en grande partie le poids du drame, et d" lui enlever ainsi quelipie chose de ses moyens , il inviterait madame de Saint-Uobert à sortir de la salle. La pièce continue.

Au moment où l’héroine se jette au cou du héros , et lui jure de mourir avec lui plutôt (pie d’épouser un infâme (pi’elle hait et méprise, la Saint-Robert dit encore tout haut :

«Ah ben ! c’est bon... v’h du neuf ! On a vu ça dans Fit z- Henri... on a vu ça dans Tekéli... on a vu ça dans les Ruines de Babylone... on a vu ça dans le Pamre Berger... Kt on a le front d’appeler cela une ouvrage bien écrite !... Merci ! ^ Silence ! s’écrie le régisseur.

— C’est ;> n’y pas tenir ! reprend l’auteur.

— Noa, vraiment, c’est A n’y pas tenir ! s’écrie : son tour le directeur. Madame de Saint-Robert , je vous le dis à regret,... je serai forcé de vous prier de sortir... » A ces mots , la Saint-Robert se lève ; elle a des éclairs dans les yeux. ’( Me prier de sortir... en v’Ià une sévère ! Pas plus d’égards que ça pour mon sexe et mes cheveux blancs... me traiter comme un chien... Apprenez que ma fille sortirait avec moi, et qu’elle ne remettrait i)lus les pieds dans votre baraque... Ah ! mais... ah ! mais... »

Aurélie fait signe à sa mère de s’apaiser. La Saint-Robert se rasseoit en grommelant ; l’auteur et le directeur rongent leur frein. Malgré les avertissements sévères et réitérés qu’elle a reçus, la Saint-Robert , piquée au jeu , ne peut tempérer le feu de ses critiques. Tel acteur gesticule comme un télégraphe, telle actrice est froide comme une carafe d’orgeat, telle situation est pillée dans le répertoire de ^L de Pixérécourt , telle décoration serait sifflée par le public habituel du théâtre des Funambules. Enfin le directeur , poussé à bout , supplie Aurélie d’éloigner la Saint-Robert. Aurélie va trouver sa mère dans la salle , et