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LA Mli lll’ D Ai ; riilCE.

amollis a n’en plus Unir, li lie regarde sa (ille, elle l’examine, elle l’atlinire, elle la dévore des yenx ! « Quels cheveux ! quelle bouche ! quel leinl ! Kt dire qu’elle ressenihlc comme deux goulles d’eau à son grand chenapan de père ! » — Puis elle lui saule au cou, elle la liaise aux deux joues, elle la serre dans ses bras, en l’appelant : Mon mignon, mon chou, mon loulou chéri, mon trésor. — Si bien qu’Aurélie, fatiguée de ces démonstrations qui se reproduisciil Ions les malins aussi vives et aussi sincères, lui dit avec le plus grand respect du inonde :

— Maman, va donc voir dans le salon si j’y suis !

Aurélic a la i)lus grande conliance dans sa femme de chambre, mademoiselle Félicité. C’est elle qui l’aide il cacher, aux ^eux de sa mère el de son prolecteur, toutes les petites intrigues, tous les petits bonheurs qui accidentent son

existence. Sa préférence pour elle se Iraliit a tout inoment : aussi la Sainl-Koherl est-elle fort jalouse de cette favorite. Klle la gronde el la rudoie sans cesse ; elle trouve toujours "a reprendre dans son

service. Tontes les fois que sa lille est sur le point d’entrer en scène, elle ne manque pas de lui dire ; Il Corame c’Ie Félicité te fagole mal ! Voila un pli à gauche, en voila un autre adroite, lit ce bouillon

dans le dos !... Si ce n’est pas une horreur ! Vrai-

ment on ne tirera jamais rien de celte péronnelle-

^^^la. » Mais Amélie fait la sourde oreille, et elle a de bonnes raisons ]ionr cela. Quant a Félicité, sure de son empire, forte des secrets qu’elle a entre les mains, elle lient audacieusement léle il la Saint-Ridteit ; elle lui répond avec insolence, elle n’exécute aucun de ses ordres, elle affecte de jeter sur elle des regards de bravade et de mépris ; et, au milieu de toutes ces immoralités, ce n’est pas la chose la moins immorale que cette guerre de tous les jours engagée entre une servant* et une inère, et se terminant habituellement il l’avantage de la première : mais c’est Ta une des conséquences inévitables de la position respective de ces trois peisoiinages. Quand on a hiulé aux pieds l’une des lois de la société, c’est en vain que l’on voudrait jouir du béiiélice des autres, line maille rompue, plus de filet. Vous avez dédaigné l’opinion du inonde, il se venge. Vous êtes un paria en dehors de toules les conditions ordinaires de la vie. Arrière le respect humain... arrière les rangs, les dislances, les inégalités d’éducalion, de position et de fortune... Oh ! le vice est un impitoyable nieliHii ! Midi : — voici le nnmienl d’aller au théâtre. On doit répéler généralement un grand ouvrage nouveau, dans lequel Aurélie a un rôle très-important. La Saiiit-llobert accompagne toujours sa nile ; c’est plus décent. Kl puis elle aime à être vue avec Aurélie : 6011 orgueil maternel est doucement flallé lorsqu’elle s’aperçoit que les regards curieux des passants se lixenl sur sa chère progénilure. Mors elle se redresse, elle rayonne, elle marche d un pas grave et triomphal ; elle voudrait pouvoir dire il tous les passants, elle voudrait pouvoir nier dans la rue : ; . Oui. . c’est bien lii Aurélie de Sainl-lio-