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"0 LA COl'Ii l> ASSISIiS.

lueiils convulsifs de son corps ot de son ànie ! lit le jury ! il a pu se luelUe eu j^ardi’ contre la véiiémence de l’accusateur qui reuijilil son métier, et du défenseui’ qui plaide pour son client, parce qu’il sait qu’il y a à prendre et a laisser dans leurs paroles. Mais coiumenl se délier du président qui lient dans ses mains la balance impartiale de la justice ? du président qui n’est que le rapporteur de la cause ? du président qui ne doit jamais laisser transpirer son opinion, jamais laisseï- paraître l’homme sous la toge du magisirat ?

Les juiés n’ont pas une mémoire vaste et exercée qui puisse retenir à la fois tous les arguments d’une cause lancés dans des sens contraires, et qui sache les disposer, les comparer et les juger. Ils cèdent, comme tous les hommes simples, dans le trouble de leurs émotions et dans la fatigue de rau<lience, aux dernières impressions que leur cerveau leçoit. Si ces impressions sont celles d’une accusation redoublée, quel poids sur la conscience du jury ! quel péril pour l’accusé !

On frémit en songeant que, dans la province surtout, avec un jury campagnard, un jury simple, illettré, elfrayable, le résumé artificieux et passionné d’un président d’assises peut déterminer seul, tout seul, un verdict de la mort ! La loi a voulu que la parole demeurât toujours la dernière a l’accusé dont, par une humaine liclion, elle présume l’innocence. Or, n’est-ce pas le renversement de l’humanité et du droit, si, au lieu de faire un lésumé, le président fulmine un réquisi toire ? l’accusé aura-t-il devant lui, contre lui, deux adversaires au lien d’un, l’avocat général et le président ? S’il lève ses regards suppliants sur le tribunal, s’il s’y réfugie comme dans un asile sacré, renconireia-t-il un glaive tourné contre sa poitrine, au lieu d’un bouclier poui’ le protéger ! S’il hasarde timidement une observalion, il indispose, en cas de verdict aftirmalif, le redoutable applicateur de la peine. Si le défenseur s’exclame, on lui ferme la bouche ; si les journaux révèlent les fails et gestes du président, on leur intente un procès, sans jury, sous prétexte d’infidélité de compte rendu.

Comment sortir de la ? Se pourvoir en cassation ! mais est-ce la un moyen de cassalion, un moyen légal, j’entends ? Par où conslaler qu’il y a eu réquisitoire et non résumé ? où retrouver les témoins ? et l’on n’admet pas de preuve orale, où serait la preuve écrite ? La cour d’assises donnerait-elle acte delà protestation contre la parlialité de son président et par son organe !

Supprimer l’usage des résumés en matière simple, en matière peu chargée, en matière politique et de presse, je n’y verrais obstacle. C’est l’a même, il faut le dire, où le résumé prend le plus facilement, dans la bouche d’un magistrat prévenu, la forme hardie et décisive d’un réquisitoire.

Mais s’il y a plusieurs accusés, de nombreux complices et des crimes de différents degrés, si la matière du délit est abstraite et confuse ; si les témoignages sont contradictoires ; s’il y a variété et complication dans la position des questions ; si la cause a duié quelques jours et que l’attention des jurés soit fatiguée ou perdue, commeni se passer de résumé ? Sans résumé, dans ce cas, il est impossible de voir clairen r.iffdire. Autant presque vaudrai ! jouei aux dés la vie el l’honneur des accusés. Mais par (|uel moyen conlraindre les jnésidenls lésumenrs ii rimparlialile, si les