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De La Grille.

ſi fort de tout moy-même, que tres-difficilement je gaigné ſur ma paſſion de ſe ralentir à la preſence d’un objet ridé depuis trente ans, qui étoit celuy qui m’avoit mis en feu. Mes flamines croiſſoient de jour en jour, je ſouffrois ce que ſouffre un homme qui reſſent de vives chaleurs & qui n’a point de quoy ſe rafraichir, & je méditois à tout moment les moyens de recouvrer les ſatisfactions qui ſe goûtent dans le commerce des beautez dont la vuë m’étoit interdite ; Je me repaiſſoit d’idées mille fois plus chatoüilleuſes que le ſujet qui me les reveilloit n’étoit flatteur, & je faiſois l’hipocrite autant qu’il étoit neceſſaire pour pouvoir m’eſtre rendu à moy-même dans une maiſon plus libre. Je n’ûs pas plûtôt obtenu de ce viſage contrefait mon changement, je n’ûs pas pluſtôt paſſé d’une affreuſe retraitte à un lieu où je pouvois recevoir quelque viſite, que la rencontre d’une perſonne que j’avois connuë à Paris, m’apprenant des nouvelles d’une jeune Demoiſelle que j’avois aimée