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ment ? Qu’est-ce qui peut triompher d’une volonté si ce n’est une autre volonté ? D’un désir ou d’une aversion, si ce n’est un autre désir ou une autre aversion ? — Mais, dis-tu, si tu emploies la crainte de la mort, tu me contraindras. — Ce n’est pas ce que j’emploierai qui te contraindra, mais c’est que tu juges qu’il vaut mieux faire telle chose que de mourir. C’est donc ton jugement qui t’aura contraint, c’est-à-dire que c’est ton libre arbitre qui aura contraint ton libre arbitre. Car, si Dieu eût fait que cette partie spéciale, qu’il a détachée de lui-même pour nous la donner, pût être contrainte par lui ou par d’autres, il ne serait pas Dieu, et n’aurait pas de nous le soin qu’il en doit avoir. Voilà (dit le devin) ce que je trouve dans les victimes ; voilà ce qu’elles t’annoncent. Si tu le veux, tu es libre ; si tu le veux, tu n’accuseras personne, tu ne feras de reproche à personne. Tout arrivera conformément à ta volonté et à celle de Dieu tout ensemble. » Voilà la réponse en vue de laquelle je vais trouver le devin et le philosophe ; et ce n’est pas devant lui que je m’incline à cause de son talent d’explication, mais devant les choses qu’il m’explique.