La philosophie ne s’engage pas, lui dit-il, à procurer à l’homme quoi que ce soit d’extérieur ; autrement, elle s’occuperait de choses étrangères à ce qui est sa matière particulière. Le bois est la matière du charpentier ; l’airain est la matière du fondeur de statue ; l’art de vivre, à son tour, a pour matière dans chaque homme la vie de cet homme même. Que dire donc de la vie de ton frère ? Qu’elle relève de son savoir faire à lui ; mais que, par rapport au tien, elle est au nombre des choses extérieures, ainsi que l’est un champ, ainsi que l’est la santé, ainsi que l’est la gloire. Or, sur toutes ces choses la philosophie ne s’engage à rien. « Dans toutes les circonstances, dit-elle, je maintiendrai la partie maîtresse en conformité avec la nature. » — Mais la partie maîtresse de qui ? — De l’être dans lequel je suis. — Comment donc faire pour que mon frère ne soit plus irrité contre moi ? — Amène-le-moi, et je lui parlerai ; mais je n’ai rien à te dire, à toi, au sujet de sa colère.
Celui qui le consultait ajouta : « Je te demande encore comment je pourrai me conformer à la nature, au cas où mon frère ne se réconcilierait pas avec moi. » Il lui répondit : « Aucune chose considérable ne se produit en un instant, pas plus que le raisin et les figues. Si tu me disais maintenant : je veux une figue, je te dirais : il faut du temps ; laisse l’arbre fleurir, puis les fruits y venir et mûrir. » Et, lorsque le fruit du figuier n’arrive pas à sa perfection d’un seul coup et en un instant, tu voudrais cueillir si facilement et si vite les fruits de la sagesse humaine ! Je te dirai, ne l’espère pas.