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l’univers, comme les bons citoyens se soumettent à la loi de leur pays. Quant à l’élève, il doit se présenter aux leçons avec cette pensée : « En toute chose comment suivrai-je les dieux ? Comment serai-je toujours content sous leur gouvernement ? Comment serai-je libre ? » Car il n’y a de libre que celui à qui tout arrive comme il le veut, et que personne ne peut contraindre. Mais quoi ! la liberté serait-elle l’esprit d’égarement ? A Dieu ne plaise ! car la folie et la liberté ne peuvent jamais se trouver réunies. — Mais j’entends que tout ce que je veux arrive, quoique ce soit que je veuille. — Tu es fou, tu perds la tête ! Ne sais-tu pas que la liberté est une belle et noble chose ? Or, prétendre que se réalise au hasard ce que nous voulons, cela risque fort de n’être pas beau, et, mieux encore, d’être ce qu’il y a de plus laid. Comment faisons-nous pour l’orthographe ? Est-ce que je prétends écrire le nom de Dion à ma volonté ? Non : mais j’apprends à vouloir l’écrire comme il doit l’être. Et pour la musique ? même chose. Que faisons-nous, en un mot, dans tout ce qui est art ou science ? (La même chose). Autrement, à quoi bon apprendre ce qui devrait se conformer à notre volonté ? Et ce serait juste ici, où il s’agit de la chose capitale, de la chose essentielle, ma liberté, qu’il me serait permis de vouloir au hasard ! Non pas, non ; je dois ici m’instruire, c’est-à-dire apprendre à vouloir chaque chose comme elle arrive. Et comment arrive-t-elle ? Comme l’a réglé celui qui règle tout. Or, il a réglé que, pour l’harmonie de l’univers, il y aurait des étés et des hivers, des temps d’abondance et des temps de disette, des vertus et des