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générale, ce n’est ni la mort, ni l’exil, ni la peine, ni rien de pareil, qui font que nous agissons ou que nous n’agissons pas ; ce sont nos opinions et nos jugements.

T’en ai-je convaincu, ou non ? — Tu m’as convaincu, dit l’autre. — Mais en toute chose telle cause, tel effet. Donc, à partir de ce jour, quand nous ferons mal, nous n’en accuserons que l’opinion d’après laquelle nous aurons agi ; et nous nous efforcerons d’extirper et de retrancher de notre âme cette opinion bien plus encore que de notre corps les tumeurs et les abcès. Pareillement, c’est à la même cause que nous attribuerons ce que nous ferons de bien. Nous n’accuserons donc plus notre serviteur, notre voisin, notre femme, notre enfant, d’être une cause de mal pour nous, convaincus, comme nous le sommes, que, si nous ne jugions pas telle chose de telle manière, nous ne ferions pas ce qui en est la conséquence. Or, nos jugements dans tel ou tel sens dépendent de nous et non du dehors. — Oui, dit l’autre. — Donc à partir de ce jour, nous ne rechercherons ni n’examinerons ce que sont les autres choses, et comment elles sont, pas plus notre champ que notre esclave, notre cheval ou notre chien, mais ce que sont nos jugements. — Je le souhaite, dit l’autre. — Ne vois-tu donc pas qu’il faut que tu deviennes un savant (cet animal dont tout le monde rit), si tu veux faire ainsi l’examen de tes jugements ? Or, tu comprends toi-même que ce n’est pas là l’affaire d’une heure ni d’un jour.