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Voilà ce que le maître devrait avoir à faire avec les jeunes gens d’un heureux naturel ! Maintenant, au contraire, qu’arrive-t-il ? Cadavre est le maître, et cadavre vous êtes. Quand vous vous êtes bien repus aujourd’hui, vous vous asseyez là pleurant, et vous demandant comment demain vous aurez de quoi manger. « Esclave ! si tu en as, tu en au- » ras ; si tu n’en a pas, tu partiras. La porte est » ouverte. Qu’as-tu à te lamenter ? » Cela dit, quel motif de pleurer a-t-on encore ? Quelle raison de flatter ? Pourquoi portera-t-on envie à un autre ? Pourquoi s’extasiera-t-on devant les riches, ou tremblera-t-on devant les puissants, quelque forts ou quelque irascibles qu’ils puissent être ? Que nous feront-ils en effet ? Ce sur quoi ils peuvent quelque chose, nous ne nous en inquiétons pas ; ce qui a du prix pour nous, ils ne peuvent rien sur lui. Qui donc commandera à celui qui pense ainsi ?

Comment Socrate se conduisait-il dans ces circonstances-là ? Comment, si ce n’est comme il convenait à un homme convaincu de sa parenté avec les dieux ? « Si vous me disiez, leur disait-il, nous te » rendrons ta liberté, à la condition de ne plus te- » nir les discours que tu as tenus jusqu’ici, et de ne » plus ennuyer nos jeunes gens ni nos vieillards ; » je vous répondrais : « Vous êtes ridicules ! Vous croyez que si votre général me plaçait à un poste, » il me faudrait le garder, le conserver, et mieux ai- » mer mourir mille fois que de le quitter ; et quand » Dieu m’a assigné un poste et Une façon de vivre, » vous pensez qu’il me faut les abandonner ! » Voilà un homme qui était vraiment le parent des dieux ! Mais nous, nous raisonnons sur nous-mêmes comme si nous