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cette vie, voudraient se débarrasser de tout cela comme d’un fardeau pénible qui est au-dessus de leurs forces, et s’en aller vers les dieux leurs parents. Voilà la lutte que devrait avoir à soutenir celui qui est votre professeur et votre maître, s’il a quelque valeur. Vous viendriez à moi me disant : « Epictète, nous en avons assez d’être enchaînés à ce misérable corps, de lui fournir à manger et à boire, de le faire reposer, de le tenir propre et d’être à cause de lui les complaisants d’un tel ou d’un tel. N’est-il pas vrai qu’il n’y a là que des choses indifférentes, et sans rapport réel avec nous ? N’est-il pas vrai que la mort n’est pas un mal, que nous sommes les parents de Dieu, et que c’est de lui que nous venons ? Laisse-nous retourner d’où nous venons ; laisse-nous nous dégager enfin de ces liens qui nous attachent et qui nous chargent. Ici sont des pirates, des voleurs, des juges, des hommes avec le nom de tyrans, qui semblent avoir sur nous quelque pouvoir, à cause de ce misérable corps et des choses qu’il possède ; laisse-nous leur montrer qu’ils n’ont sur nous aucun pouvoir. » — Alors moi j’aurais à vous dire : « O hommes, attendez Dieu ! Quand il vous aura libérés de ce service, partez alors vers lui ; pour le moment, résignez-vous à demeurer à la place où il vous a mis. Court est le temps de votre séjour ici, et il est facile à supporter pour ceux qui pensent ainsi. Quel est en effet le tyran, quel est le voleur, quels sont les juges, qui soient encore à redouter pour ceux qui méprisent ainsi leur corps et tout ce qui lui appartient ? Demeurez ; et ne partez pas contrairement à la raison. »