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nos raisonnements la forme des épichérèmes et des enthymêmes ; comme dans celui-ci, par exemple : « Si tu m’as emprunté et ne m’as pas rendu, tu me dois de l’argent ; or, tu ne m’as ni emprunté ni rendu, tu ne me dois donc pas d’argent. » Et c’est ce qu’il n’appartient à personne plus qu’au philosophe de faire habilement. Car si l’enthymême est un syllogisme incomplet, il est évident que celui qui est exercé au syllogisme complet ne sera pas moins habile à l’incomplet. Pourquoi donc ne pas nous exercer en ce genre, seuls ou avec d’autres ?

— Parce que aujourd’hui que nous ne nous y exerçons pas, et que, autant que nous le pouvons, rien ne nous distrait de l’étude de la morale, nous ne faisons cependant pas de progrès dans la vertu. À quoi ne devrions-nous pas nous attendre alors, si nous y ajoutions cette distraction ? d’autant plus que ce ne serait pas seulement une distraction des choses plus nécessaires, mais encore une cause non commune de présomption et d’orgueil. C’est une grande puissance, en effet, que l’art d’argumenter et de persuader, surtout quand il se fortifie par la pratique et qu’il emprunte au style un certain prestige. De plus, toute puissance, en général, est dangereuse aux mains des ignorants et des faibles, car elle les porte à s’enorgueillir et à faire les fiers. Comment, en effet, persuader au jeune homme qui se distingue par ces talents que ce n’est pas lui qui doit leur appartenir, mais eux qui doivent lui appartenir à lui ? Ne foule-t-il pas aux pieds toutes ces observations ? Et ne s’en va-t-il pas tout fier et tout plein de lui-même, repoussant quiconque s’attacherait à lui,