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quoi aurait-il servi ? Quel emploi y aurait-il eu pour ses bras et pour toute sa force, pour sa patience et pour son courage, sans de telles circonstances et de telles occasions pour le stimuler et pour l’exercer ? Mais quoi ? Il eut peut-être dû se les préparer lui-même, et chercher d’où il pourrait amener dans son pays un lion, un sanglier, une hydre ! Folie et sottise que tout cela ! Seulement, dès que ces choses existaient et qu’Hercule les trouvait, elles servaient à le révéler et à l’exercer.

Toi, à ton tour, comprends donc tout cela, et jette les yeux sur les forces qui sont en toi, considère-les, et dis : « Envoie maintenant, ô Jupiter, les circonstances que tu voudras ; car j’ai des ressources et des moyens donnés par toi-même, pour tirer parti de tous les événements. » Au lieu de cela, vous restez assis, tremblant que certaines choses n’arrivent, et pleurant, gémissant, vous lamentant, parce que certaines autres sont arrivées. Puis après vous accusez les dieux ! Quelle peut-être, en effet, la suite d’un tel manque de cœur, si ce n’est l’impiété ? Et cependant Dieu ne vous a pas seulement donné ces forces pour supporter, grâce à elles, tous les événements sans vous laisser abattre ni briser par eux ; mais encore, ce qui était d’un bon roi et d’un père véritable, il vous les a données libres, indépendantes, affranchies de toute contrainte extérieure ; il les a mises à votre disposition complète, sans se réserver à lui-même la puissance de les entraver ou de leur faire obstacle. Eh bien ! ayant ces forces ainsi libres et a vous, vous ne vous en servez pas, et vous ne comprenez ni ce que vous avez reçu là, ni de qui vous l’avez