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révélera pas son ouvrier ! Admettrons-nous que cela ne le révèle pas ? Eh bien, cette organisation de notre entendement, grâce à laquelle nous ne nous bornons pas à recevoir l’impression des objets qui tombent sous nos sens, mais en enlevons, en abstrayons des parties que nous rapprochons, pour composer avec elles certaines idées, et de ces idées, par Jupiter, passer à d’autres qui leur sont analogues ; cette organisation elle-même sera t-elle impuissante à émouvoir certaines gens, impuissante à les détourner d’abandonner la cause de l’ouvrier suprême ? Si cela est, que l’on nous explique quelle est la cause de chacune de ces choses, ou comment il se peut que, si merveilleuses et sentant ainsi l’artiste, elles soient l’œuvre fortuite du hasard.

Mais quoi ! ces choses n’existent-elles qu’en nous ? Plus d’une n’existe qu’en nous, parce qu’elles étaient spécialement nécessaires à l’être raisonnable ; mais plus d’une aussi se trouve à la fois chez nous et chez les êtres privés de raison. Est-ce donc que ces êtres-là aussi comprennent ce qui est ? pas du tout, car autre chose est d’user, autre chose est de comprendre. Pour eux, Dieu avait besoin qu’ils usassent des idées des sens ; mais nous, il avait besoin que nous en comprissions l’usage. Eux donc, il leur suffit de boire, de manger, de se reposer, de se reproduire, et d’accomplir toutes les autres fonctions de chacun d’eux ; mais nous, à qui il a donné en plus la puissance de comprendre, tout cela ne nous suffit pas ; car si nous ne l’accomplissons pas d’une façon déterminée, avec ordre, et conformément à la nature et à la consti-