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CHAPITRE VI




Sur la Providence.

Il est aisé de louer la Providence de tout ce qui arrive dans le monde, si l’on a en soi ces deux choses : la capacité de comprendre ce qui arrive à chacun, et un cœur reconnaissant. Si non, ou l’on ne verra pas l’utilité de ce qui se fait, ou l’on n’en saura pas de gré, alors même qu’on la verrait. Si Dieu avait fait les couleurs sans faire aussi la faculté de les voir, quelle en serait l’utilité ? néant. Si, d’autre part, il avait fait la faculté sans faire les couleurs telles qu’elles tombassent sous cette faculté visuelle, quelle en serait encore l’utilité ? néant. Et s’il avait fait les couleurs et la vue, mais sans la lumière ? Ici encore utilité nulle. Qui donc a fait ceci pour cela, et cela pour ceci ? Qui a fait l’épée pour le fourreau, le fourreau pour l’épée ? Ne serait-ce personne ? Comme si chaque jour ce n’était pas par la combinaison des parties dans une œuvre, que nous démontrons qu’elle est forcément le produit d’un habile ouvrier et qu’elle n’a pas été faite au hasard ! Eh quoi ! chacune de nos œuvres révélera son ouvrier, et les objets visibles, la vue, la lumière ne révéleront pas le leur ! L’existence du mâle et de la femelle, leur désir mutuel de s’unir, la faculté qu’ils ont de se servir des parties qui leur ont été données dans ce but, cela aussi ne nous