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chez lui et de s’y occuper de ses affaires. Ce pourquoi il a quitté son pays, n’est rien ; ce qui est quelque chose, c’est de travailler à ôter de sa vie les lamentations, les gémissements, les cris d’hélas ! et de « Misérable que je suis ! » ainsi que les malheurs et l’infortune ; c’est d’apprendre ce que c’est que la mort, l’exil, la prison, la ciguë, afin de pouvoir dire dans la prison : « Mon cher Criton, qu’il en soit de ceci comme il plaira aux dieux ! » au lieu de s’écrier : « Malheureux que je suis, à mon âge, c’était à cela qu’étaient réservés mes cheveux blancs ! » Et qui dit ces derniers mots ? Croyez-vous que je vais vous citer quelqu’un d’obscur et de basse naissance ? N’est-ce pas Priam qui parle ainsi ? N’est-ce pas Œdipe ? Tous les rois tiennent ce langage. Qu’est-ce, en effet, que la tragédie, si non un poème qui nous montre les souffrances des hommes qui attachent du prix aux choses extérieures ? Si c’était une duperie que de croire sur la foi de ses maîtres qu’en dehors de notre libre arbitre il n’y a rien qui nous intéresse, je voudrais encore, moi, de cette duperie, à laquelle je devrais de vivre tranquille et sans trouble. À vous de voir ce que vous voudriez.

— À quoi nous sert donc Chryzippe ? — Il te répond lui-même : « À t’apprendre que ce ne sont point des chimères que les choses qui font le calme en nous et qui y amènent la tranquillité ! Prends mes livres, et tu y verras combien tout ce qui nous donne cette tranquillité est réel et conforme à la nature ! » Quel bonheur n’est-ce pas là ? Quel bienfaiteur que celui qui nous montre la route ! Eh bien ! les hommes ont élevé des temples et des autels à