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tournent vers cette funeste parenté de mort, très-peu vers cette bienheureuse parenté divine. Or, comme il est impossible de ne pas user de chaque chose suivant l’opinion que l’on s’en fait, ce petit nombre, il est vrai, qui se croit né pour la probité, pour l’honneur, pour le bon usage des idées, n’a jamais de lui-même une opinion qui le rapetisse ou l’amoindrisse, mais la foule fait le contraire. « Que suis-je, en effet (dit-on) ? Un homme misérable et chétif. » — Ou bien encore : « Pitoyable chair que la mienne ! » — Oui, bien pitoyable en effet ! mais tu as quelque chose de mieux que cette chair ! Pourquoi le négliges-tu, pour t’attacher à elle ?

Par suite de cette parenté, nous qui nous tournons vers elle, nous devenons semblables, les uns, aux loups, trompeurs, traîtres et méchants ; les autres, aux lions, sauvages, cruels et barbares ; le plus grand nombre aux renards et à tout ce qu’il y a de vil parmi les bêtes. Qu’est-ce en effet qu’un homme méchant dans ses paroles ou dans ses actes, si ce n’est un renard ou quelque chose de plus vil et de plus abject encore ? Ouvrez donc les yeux et faites attention, pour ne pas devenir quelqu’une de ces saletés.