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dehors ne sont rien; et tu veux que je me. livre à toi, qui tiens pour rien ton libre arbitre, qui veux arriver à la fortune ou à une magistrature, ou bien faire ton chemin à la cour, quand tu devrais pour cela égorger tes enfants, à la façon de Medée? Quelle égalité y a-t-il là? Montre-moi que tu es un homme sûr, honnête, inébranlable; montre-moi que tes idées sont bienveillantes; montre-moi que ton vase n’est pas percé; et tu verras que je n’attendrai pas que tu me confies tes secrets, mais que j’irai moi-même vers toi pour te prier d’écouter les miens. Qui, en effet, ne voudrait pas se servir d’un vase en bon état? Qu’est-ce qui fait fi d’un conseiller bienveillant et sûr? Qu’est-ce qui n’accueillerait pas volontiers celui qui vient pour ainsi dire prendre sa part du fardeau de vos affaires, et vous le rendre plus léger par cela seul qu’il en prend sa part?

— Oui; mais, quand j’ai confiance en toi, n’auras-tu pas confiance en moi? — D’abord, tu n’es pas un homme qui ait confiance en moi; mais un bavard, qui ne peut rien garder. Car, s’il en était ce que tu dis, tu ne confierais tes secrets qu’à moi seul. Or, aujourd’hui, dès que tu vois quelqu’un inoccupé, tu vas t’asseoir à ses côtés et tu lui dis: « Frère, je n’ai personne qui m’aime plus que toi, ni qui me soit plus cher; je te prie donc d’écouter mes secrets. » Et cela, tu le fais à des gens que tu ne connais pas le moins du monde.

Si tu as cependant confiance en moi, il est évident que c’est parce que je suis sûr et honnête, et non point parce que je t’ai conté mes affaires.