Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 10 —

tais-toi. — Ne m’interroge pas, et je me tairai. — » Mais il faut que je t’interroge. — Et moi, il faut que je dise ce qui me semble juste. — Si tu le dis, je te ferai mourir. — Quand t’ai-je dit que j’étais immortel ? Tu rempliras ton rôle, et je remplirai le mien. Ton rôle est de faire mourir ; le mien est de mourir sans trembler. Ton rôle est d’exiler, le mien est de partir sans chagrin. » À quoi servit cette conduite de Priscus, seul comme il était ? Mais en quoi la pourpre sert-elle au manteau ? Que fait-elle autre chose que de ressortir sur lui en sa qualité de pourpre, et d’y être, pour le reste, un spécimen de beauté ? Un autre homme, si César, dans de pareilles circonstances, lui avait dit de ne pas aller au sénat, aurait répondu : « Je te remercie de m’épargner. » Mais César n’aurait pas empêché un tel homme d’y aller, sachant bien qu’il y devait rester immobile comme une cruche, ou que, s’il y parlait, il dirait ce qu’il savait désiré de l’empereur, et que même il renchérirait encore dessus.

De même cet athlète qui était en danger de mourir, si on ne lui coupait pas les parties sexuelles. Son frère vint le trouver (l’athlète était philosophe) et lui dit : « Eh bien ! frère, que vas-tu faire ? coupons cette partie, et retournons encore au gymnase. » Mais celui-ci refusa, tint bon, et mourut. Quelqu’un demandait à quel titre il avait agi ainsi : à titre d’athlète, ou à titre de philosophe ? « À titre d’homme, » répondit Épictète ; « au titre d’un homme qui avait été proclamé à Olympie après y avoir combattu, d’un homme qui avait passé sa vie sur ce terrain-là, et non à se faire parfumer d’odeurs chez Baton. » Un autre se serait