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qu’elle nous a donné des mains. Il était impossible qu’après que nous avons mangé, quelque saleté ne nous restât pas aux dents. C’est pour cela qu’elle nous dit: « Lavez vos dents. » Et pourquoi? Pour être des hommes, et non des bêtes sauvages ou des cochons. Il était impossible avec la sueur et les habits que nous portons, qu’il ne restât pas sur le corps quelque saleté qui eût besoin d’être nettoyée. C’est pour cela que nous avons l’eau, l’huile, les mains, le linge, les brosses, la soude, avec tout le reste de l’attirail pour nettoyer le corps. « Non, » dis-tu. Mais quoi! l’ouvrier qui travaille les métaux nettoiera le fer et aura des instruments faits pour cela; toi-même, lorsque tu seras pour manger, tu laveras ton plat de bois, si tu n’es pas complètement sale et malpropre; et tu ne laverais ni ne nettoierais ton corps! — « Pourquoi le ferais-je?» dis-tu. — Je te répondrai: « D’abord pour te conduire en homme; puis, pour ne pas incommoder ceux qui se trouvent avec toi. » Car c’est là ce que tu fais maintenant, sans t’en apercevoir. Tu trouves convenable de t’empester toi-même; soit! Je veux bien que ce soit convenable. Mais l’est-il également d’empester ceux qui s’asseient près de toi, ceux qui couchent avec toi, ceux qui te baisent? Ou va-t’en dans un désert, ce qui est ta place; ou vis seul, à n’empester que toi! Il est bien juste que tu aies seul la jouissance de ta malpropeté. Mais, quand tu es dans une ville, vivre avec cette négligence et cette stupidité, de qui crois-tu que ce soit le fait? Si la nature t’avait confié un cheval, le laisserais-tu ainsi sans soins? Regarde aujourd’hui ton corps comme un cheval qu’on a remis entre tes