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plus forts que nous. Elle nous apprend à céder au sujet de notre corps, à céder au sujet de notre fortune, au sujet de nos enfants, de nos parents, de nos frères; à nous détacher de tout, à renoncer à tout; elle n’en excepte que nos façons de penser, dont Jupiter a voulu faire ce qui distingue chacun de nous. Quelle violation des lois y a-t-il là? Quelle sottise? Dans les choses où tu m’es supérieur, où tu es plus fort que moi, je te cède; mais dans celles où je te suis supérieur, cède-moi à ton tour, car je me suis occupé de celles-là, et toi, non. Tu te préoccupes d’habiter au milieu des mosaïques, de te faire servir par des esclaves et des mercenaires, de porter des habits qui attirent les regards, d’avoir un grand nombre de chiens de chasse, d’avoir des joueurs de lyre et des tragédiens. Est-ce que je te dispute rien de tout cela? Mais toi, est-ce que tu t’es occupé de tes opinions? De ta raison? Sais-tu de combien de parties un raisonnement se compose? comment ces parties sont réunies et s’agencent entre elles? quelles sont les propriétés de la raison, et de quelle nature elles sont? Pourquoi donc t’indigner qu’un autre y réussisse mieux que toi, quand il s’en est occupé? — Mais c’est que ce sont là les choses les plus importantes! — Eh bien! qu’est-ce qui t’empêche de t’y adonner et d’y consacrer tous tes soins? Qu’est-ce qui est mieux pourvu que toi de livres, de loisirs, et de gens pour t’aider? Veuille seulement te tourner vers cette étude, accorder quelques-uns de tes instants à ta partie maîtresse, examiner ce qu’elle est, et d’où elle te vient, elle qui fait emploi de tout le reste, et qui juge tout, approuvant ceci et rejetant cela.