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tranquillement tout ce qui peut arriver, et nous résignant à ce qui est arrivé déjà? Veux-tu que la pauvreté soit mon lot? Apporte; et tu sauras ce qu’est le rôle de pauvre avec un bon acteur. Veux-tu que j’aie pour lot les magistratures? Apporte, et les fatigues avec. Veux-tu que j’aie l’exil? En quelque lieu que je m’en aille, j’y serai bien. Car, si je suis bien ici, ce n’est pas à cause du lieu, mais à cause de mes manières de voir, et je les emporterai partout avec moi. Nul ne peut me les enlever. Seules elles sont bien à moi, sans qu’on puisse me les prendre; et il me suffit de les avoir, quelque part que je sois, quelque chose que je fasse. — Mais voici le moment de mourir! — Que dis-tu? De mourir? Ne grossis pas les choses d’une façon théâtrale: dis que voici le moment où ma substance va se décomposer dans les éléments dont elle est composée. Et qu’y a-t-il là de terrible? Est-il donc rien qui doive périr dans ce monde? Et que peut-il arriver qui doive surprendre et qui n’ait sa raison d’être? Serait-ce donc pour cela que le tyran est à craindre? Serait-ce pour cela que ses gardes se montrent avec leurs épées longues et pointues? A d’autres ces erreurs! Moi j’ai tout examiné, et je sais que personne n’a prise sur moi. Dieu m’a donné la liberté; je connais ses commandements; personne ne peut aujourd’hui me faire esclave; j’ai pour garantir ma liberté un magistrat tel qu’il le faut, des juges tels qu’il les faut. Tu es le maître de ma vie; mais que m’importe! Tu es le maître de ma fortune; mais que m’importe! Tu es le maître de m’exiler, de me mettre aux fers! Eh bien! je te concède tout cela, avec mon corps même tout