Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/434

Cette page n’a pas encore été corrigée

ces choses sont partout périssables et promptes à succomber. Celui qui s’y attache doit nécessairement se troubler, espérer à tort, s’effrayer, gémir, échouer dans ses désirs, tomber dans ce qu’il veut éviter. Et nous ne prenons pas le parti de fortifier la seule chose solide qui nous ait été donnée! Et nous ne nous arrachons pas aux choses périssables et dépendantes, pour donner tous nos soins à celles qui, de leur nature, sont impérissables et indépendantes! Nous ne songeons point que personne ne peut faire du mal ou du bien à un autre, et que les opinions de chacun à l’égard de tout cela sont la seule chose qui nuise et qui bouleverse; la seule cause des querelles, des dissensions, des guerres! Qu’est-ce qui a fait Etéocle et Polynice? Rien autre chose que leurs opinions sur la royauté et sur l’exil. Celui-ci leur paraissait le dernier des maux, et celle-là le plus grand des biens; or, la nature de tous les êtres est de chercher le bien et de fuir le mal, et de regarder comme un adversaire et comme un ennemi quiconque veut leur enlever l’un et les jeter dans l’autre, fût-il leur frère, leur fils, ou leur père. Rien, en effet, ne nous tient de plus près que le bien; et de là suit que, si les choses extérieures sont des biens ou des maux, le père n’est plus l’ami de ses enfants, le frère n’est plus l’ami de son frère; partout il n’y a plus que des ennemis, des traîtres et des calomniateurs. Si, au contraire, le bon état de la faculté de juger et de vouloir est le seul bien, son mauvais état le seul mal, que deviennent les querelles et les invectives? A propos de quoi existeraient-elles? Pour des choses qui nous sont indifférentes? Et contre qui? Contre des ignorants et