Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/427

Cette page n’a pas encore été corrigée

point satisfait, te rendra malheureux; s’il l’est, il fera de toi un homme futile, qui s’exalte pour ce qui n’en vaut pas la peine; et, s’il rencontre des obstacles, tu seras misérable, tu tomberas dans ce que tu voudras éviter. Renonce donc à tout cela. Athènes est belle; mais c’est une chose bien plus belle d’être heureux, d’être sans agitation et sans trouble, et de n’être en rien dans la dépendance de personne. A Rome, il y a le tumulte de la foule et les salutations; mais le bonheur d’une âme calme ne dédommage-t-il pas de tous les ennuis? Si donc l’heure des ennuis est venue, pourquoi ne pas supprimer en toi le désir d’y échapper? Quelle nécessité y a-t-il de porter ton fardeau à la façon d’un âne qui succombe sous le bâton? Sinon, vois bien qu’il te faudra être l’esclave de quiconque pourra te faire sortir de Rome, de quiconque pourra t’empêcher d’en partir. Il te faudra le servir, comme on sert une divinité méchante.

Il n’y a qu’une voie qui mène à ce bonheur dans le calme (songeons-y le matin, le jour et la nuit): c’est de nous détacher des choses qui ne dépendent pas de notre libre arbitre; de ne les point tenir pour nôtres; de les abandonner toutes à Dieu et à la fortune; d’en remettre la gestion à ceux à qui Jupiter l’a remise; et, quant à nous, de nous donner uniquement à ce qui nous appartient en propre, à ce qui échappe à toute contrainte; de lire, enfin, en rapportant à ce but tout ce que nous lisons, comme tout ce que nous écrivons ou écoutons. Voilà pourquoi je ne puis pas dire qu’il aime le travail celui dont j’apprends seulement qu’il lit ou qu’il écrit; et quand même on ajouterait qu’il le fait