ment? Et en vue de quoi? Lire n’est-ce pas se préparer à vivre? Et la vie ne se compose-t-elle pas de tout autre chose? On dirait un athlète qui, en entrant au Cirque, regretterait de ne pas s’exercer dehors. « Eh! (devrait-on lui dire) c’est en vue de ce moment que tu t’exerçais. Voilà la raison des masses de plomb, des coups de poing, et de tes jeunes adversaires. Et maintenant tu les demandes, quand est venu le moment d’agir! » Ce serait comme si, quand il y a lieu à nous décider, quand les idées se présentent à nous, les unes méritant d’être acceptées, les autres non, nous ne voulions pas faire notre choix entre elles, mais demandions à lire ce qu’on a écrit sur le jugement.
Et quelle est la cause de tout cela? C’est que jamais nous n’avons lu, jamais nous n’avons écrit, en vue de pouvoir, dans la pratique, faire de tout ce qui se présente à nous un usage conforme à la nature. C’est que tout se borne pour nous à savoir ce qui a été dit, à pouvoir l’expliquer à un autre, à pouvoir analyser un syllogisme et suivre les conséquences des principes posés. Aussi c’est du but même de tes efforts que te naissent les obstacles. Tu veux à tout prix avoir des choses qui ne dépendent pas de toi! Connais donc les empêchements, les obstacles, les échecs. Si nous lisions ce qui concerne le vouloir en vue, non pas de savoir ce qui a été dit du vouloir, mais de vouloir à propos; si nous lisions ce qui concerne le désir et l’aversion, pour ne jamais échouer dans nos désirs, et ne jamais tomber dans les objets de nos aversions; si nous lisions ce qui concerne les devoirs, pour nous rappeler tous nos rôles comme homme,