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c’est pour cela que je suis mécontent d’en être privé. » — Et qu’est-ce que ce bonheur, que peut empêcher, je ne dis pas César, ou un ami de César, mais le premier venu, mais un corbeau, mais un joueur de flûte, mais la fièvre, mais mille autres choses? Ce qu’il faut au bonheur avant tout, c’est de n’avoir ni interruptions ni empêchements. On m’appelle en ce moment pour faire quelque chose: j’irai sur-le-champ, attentif à la mesure qu’il me faut garder, avec réserve et avec assurance, sans désir comme sans crainte de tout ce qui m’est extérieur. En même temps je serai attentif à ce que disent et font les autres hommes; et cela sans malice, sans intention de critiquer ni de railler, mais pour redescendre en moi-même, si je fais les mêmes fautes, et m’en corriger à tout prix. Autrefois, dirai-je, moi aussi je faisais mal; je ne le fais plus aujourd’hui, gloire à Dieu! »

Eh bien! quand tu auras fait cela, quand tu te seras occupé ainsi, auras-tu fait de plus mauvaise besogne que si tu avais lu mille lignes ou si tu en avais écrit autant? Lorsque tu prends tes repas, es-tu contrarié de ne pas lire? Ne te suffit-il pas de prendre tes repas, en y appliquant ce que tu as lu? N’en est-il pas de même lorsque tu te baignes ou fais de la gymnastique? Pourquoi donc n’agis-tu pas ainsi en toute occasion, et quand tu vas trouver César, et quand tu vas trouver tout autre? Si tu conserves ton calme, ta tranquillité, ta modération; si tu songes aux choses plutôt qu’à te montrer; si tu n’es pas jaloux de ceux qui te sont préférés; si tu ne te laisse pas troubler par les circonstances, que te manque-t-il encore? Des livres? Mais com-