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de sa valeur quand elle est venue en nous, ainsi que de tous les autres modes d’exercice de l’esprit. Qu’est-ce qui nous dit en effet que l’or est beau, puisqu’il ne le dit pas lui-même ? évidemment c’est la faculté chargée de tirer parti des idées. Quelle autre juge la musique, la grammaire et toutes les autres branches de savoir, en apprécie l’emploi et indique le moment d’en faire usage ? nulle autre qu’elle.

Les dieux donc, ainsi qu’il convenait, n’ont mis en notre pouvoir que ce qu’il y a de meilleur et de plus excellent dans le monde, le bon usage des idées. Le reste, ils ne l’ont pas mis en notre pouvoir. Est-ce donc qu’ils ne l’ont pas voulu ? moi je crois que, s’ils l’avaient pu, ils nous auraient également faits maîtres du reste. Mais ils ne le pouvaient absolument pas. Car, vivants sur la terre, et enchaînés à un tel corps et à de tels compagnons, comment aurions-nous pu ne pas être entravés pour ce reste par les objets du dehors ?

Que dit Jupiter ? « Épictète, si je l’avais pu, j’aurais encore faits libres et indépendants ton petit corps et ta petite fortune. Mais, ne l’oublie pas, ce corps n’est pas à toi ; ce n’est que de la boue artistement arrangée. Comme je n’ai pu l’affranchir, je t’ai donné une partie de nous-même, la faculté de te porter vers les choses ou de les repousser, de les désirer ou de les éviter, en un mot, de savoir user des idées. Si tu la cultives, si tu vois en elle seule tout ce qui est à toi, jamais tu ne seras empêché ni entravé ; jamais tu ne pleureras ; jamais tu n’accuseras ni ne flatteras personne. »

Eh quoi ! trouves-tu que ce soit là peu de chose ?