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loir; il l’a faite dépendante de moi seul, au-dessus de tout empêchement et de toute contrainte. Mais ce corps de boue, comment pouvait-il le faire exempt d’entraves? Il a donc subordonné aux évolutions du grand tout le sort de notre fortune, de nos meubles, de notre maison, de nos enfants, de notre femme. Pourquoi dès-lors àpropos d’eux lutter contre Dieu? Pourquoi vouloir ce que je ne dois pas vouloir? Pourquoi prétendre avoir à tout jamais des choses qui ne m’ont pas été données pour cela? Comment dois-je désirer les avoir? Comme elles m’ont été données, et dans la mesure où elles l’ont été. — « Mais celui qui me les a données me les retire! » — Eh bien! pourquoi lui résister? Je ne dis pas seulement que je serais absurde de lutter contre un plus fort; mais de plus, et avant tout, je manquerais à mes devoirs. Car de qui tenais-je toutes ces choses, en arrivant au monde? C’est mon père qui me les avait données. Mais lui, qu’est-ce qui les lui avait données? Demande qu’est-ce qui a fait le soleil, les fruits, les saisons; qu’est-ce qui a fait cette vie en commun et cette association des hommes entre eux.

Et, quand tu tiens tout d’un autre, jusqu’à ton être propre, tu t’emportes et tu accuses celui qui t’a tout donné, s’il vient à te reprendre quelque chose! Qui es-tu donc? Et pourquoi es-tu venu ici? N’est-ce pas lui qui t’y a amené? N’est-ce pas lui qui t’a fait voir la lumière, qui t’a donné des compagnons de travail, qui t’a donné les sens, qui t’a donné la raison? Mais qui a-t-il amené ici? Un être mortel, n’est-ce pas vrai? Un être qui doit vivre sur la terre en compagnie d’un corps chétif, et